Ce blog rassemble, à la manière d'un journal participatif, les messages postés à l'adresse lemurparle@gmail.com par les personnes qui fréquentent, de près ou de loin, les cafés repaires de Villefranche de Conflent et de Perpignan. Mais pas que. Et oui, vous aussi vous pouvez y participer, nous faire partager vos infos, vos réactions, vos coups de coeur et vos coups de gueule, tout ce qui nous aidera à nous serrer les coudes, ensemble, face à tout ce que l'on nous sert de pré-mâché, de préconisé, de prêt-à-penser. Vous avez l'adresse mail, @ bientôt de vous lire...
BLOG EN COURS D'ACTUALISATION... ...MERCI DE VOTRE COMPREHENSION...
Le
11 octobre 2021, deux jeunes de St Ouen sont frappés par des policiers.
L’un perd même deux dents. L’agent Franck V., qui a donné l’essentiel
des coups, est un multirécidiviste dont la réputation violente est déjà
bien connue des prétoires.
Tribunal de Bobigny (93) – « Je ne sais plus. » Le policier Franck V. n’a décidément que cette
formule à la bouche lorsque le tribunal le questionne. Du côté des deux
victimes, Rayan S. et Enzo D., les souvenirs des violences policières
que l’agent leur a infligées le 11 octobre 2021 à Saint-Ouen (93) sont
pourtant encore clairs et frais.
Ce jour-là, vers 21h30, une équipe de six policiers de la Compagnie d’intervention du 19ème – une formation de la BRAV-M,
les motards de la police – plonge dans un quartier populaire de
Saint-Ouen pour « montrer [à des collègues] une cité connue pour le
trafic, dans le but d’interpeller » selon une policière
présente lors de l’intervention, interrogée par l’IGPN. Enzo D. et
Rayan S. sont posés à l’entrée des tours et discutent calmement. Le
premier sur une chaise, le second sur un pot de fleurs.
La bouche en sang
Voyant les policiers arriver d’un chemin sombre, Enzo – qui fait
office de guetteur – crie « Artena » pour prévenir de l’arrivée de la
police. L’équipe de policiers cagoulés jusqu’au nez, à l’exception du
chef, court alors dans la direction des jeunes, qui ne bougent pas.
L’agent Franck V. saute sur les jeunes. Il donne un coup de matraque dans la bouche de Rayan, déjà étranglé par un autre policier.
Puis un coup-de-poing dans l’œil d’Enzo. Rayan tombe au sol, il a la
bouche en sang, deux dents sont cassées et l’œil d’Enzo se met à
gonfler. Rayan raconte :
« J’ai pas eu le temps de parler que je me suis pris un coup dans
la bouche. C’était un coup de matraque porté de manière gratuite. »
Il est ensuite traîné au sol jusque dans « un endroit sombre », se
rappellent les victimes. Les deux jeunes sont fouillés face à un mur par
les policiers qui se seraient moqués d’eux : « On s’en bat les couilles de tes dents »,
« J’espère que t’as une bonne mutuelle », « Tu peux même pas tenir sur
tes deux jambes ». « Fils de pute », leur aurait même lancé un bleu. Les
policiers relâchent les deux jeunes hommes après avoir trouvé sur Enzo
140 euros et un peu de cannabis dans les poches.
Suite aux violences, Rayan court chez lui. Sa grand-mère et sa tante le retrouvent avec la bouche et les mains pleines de sang.
La matriarche crie par la fenêtre en direction des forces de l’ordre,
toujours en bas du bâtiment, pour avoir des explications. « Ferme-là et
vient récupérer ses affaires », auraient lancé les policiers à la
retraitée.
Amnésie sélective
Rayan veut porter plainte. Au commissariat, on lui répond de se
tourner vers l’IGPN. Une enquête est ouverte et les policiers sont
auditionnés. Très rapidement, les soupçons se portent sur Franck V.,
reconnu par Enzo et Rayan, malgré l’absence totale de numéro RIO pour toute l’escouade. De nombreuses versions se font face chez les bleus.
Certains disent que l’équipe a fait usage de la force, tandis que
d’autres nient ou offrent différentes explications pour les blessures de
Rayan. Il ne serait pas tombé, il se serait cassé les dents juste avant
le contrôle ou bien ce serait des dealeurs qui lui auraient cassé les
dents. Des versions ne plaisent pas au tribunal qui y trouve des «
discordances majeures, qui interrogent », selon une juge assesseur.
Dans la salle d’audience, c’est au tour du policier Franck V.
d’expliquer sa version des faits. Il bégaie et n’est pas très confiant.
L’homme en chemise moulante, jean, chaussures de sport et au tatouage
tribal le long de l’oreille joue la carte de l’amnésie. Ses « Je ne sais pas » récurrents ont le don d’agacer les magistrats. L’un des juges s’exclame :
« C’est trop facile de ne se souvenir de rien. Si c’est votre seule défense, les bras m’en tombent. »
Le policier continue de bafouiller : « Je l’ai dit dans l’audition,
je ne me rappelle pas de grand-chose, il s’était rien passé de… Je ne me
souviens pas de toutes mes interventions de tous les jours ». Pour
justifier les différentes versions de ses collègues, Franck V. ajoute
que c’est normal, avec le temps, « tout le monde ne se rappelle pas la
même chose de l’intervention ». « C’est rare qu’on ait à 100% tous la
même version », affirme-t-il. Mais malgré l’amnésie, une chose est
suffisamment sûre pour qu’il affirme droit dans ses baskets : « Je n’ai pas porté le coup ce jour-là. »
Selon lui, il n’aurait d’ailleurs « même pas » eu de matraque en main.
Et selon le policier, si Rayan « était en sang avec des dents cassées,
il ne serait pas reparti comme ça. On aurait appelé les pompiers ou on
l’aurait gardé avec nous ».
Déjà deux condamnations pour violence
Cet ancien militaire se dit « habitué à être remis en cause ». Un
euphémisme : si sa direction le décrit comme « ayant du mal à canaliser
son énergie et son surplus de dynamisme »,il a surtout déjà été condamné à deux reprises
par son « moyen respect de la déontologie ». Pour la première, il
reçoit une amende pour un coup de matraque dans l’arcade d’un jeune à
Pantin. La deuxième, en 2019, c’est même une condamnation à trois mois
de prison avec sursis pour avoir frappé une femme, lui provoquant 20 jours d’ITT.
Il avait à l’époque créé une cagnotte pour l’aider à payer ses frais
juridiques, partagée sur le groupe Facebook pro-police « Hors Service »
où il indiquait agir parfois « trop virilement ».
L’agression de Rayan est la fois de trop. Après environ trois heures d’audience, le tribunal condamne l’agent à six mois d’emprisonnement ferme.
Il lui est interdit définitivement d’exercer en tant que policier et
son port d’armes lui est retiré pour cinq ans. Il doit verser 6.513
euros à Rayan et un euro symbolique à Enzo – conformément à sa demande.
Alors que le juge des référés a débouté les deux recours des opposants
au projet de golf de Villeneuve-de-la-Raho ce vendredi 22 mars, chaque
partie décide de camper sur ses positions. Le mouvement pourrait se
durcir du côté des opposants.
Première douche froide pour les opposants au projet de Villeneuve-de-la-Raho :le juge des référés a débouté les deux recours déposés par Frene 66, ainsi que par Agissons et Pays Catalan Écologie, ce vendredi 22 mars.
La sécheresse remise en question
Les
opposants demandaient la suspension de la déclaration d'utilité
publique du projet de complexe immobilier et du golf mais le juge a
estimé qu'il n'y avait "aucune urgence à interrompre le projet" car, selon lui, "la sécheresse n'est pas un argument suffisant".
Pour Nicolas Berjoan, secrétaire départemental des Ecologistes c'est la douche froide : "on se ment aujourd'hui, on ne veut pas regarder la vérité en face !
Depuis 20 ans, les scientifiques annoncent que le Roussillon va
développer un climat semi-aride, donc je ne comprends pas que certains
osent dire que la sécheresse dans notre département est seulement
conjoncturelle".
Le plaidoyer des opposants s'appuyait sur plusieurs études montrant que le département connaît une sécheresse sans précédents depuis presque trois ans.
Laurent Gauze, le président de la chambre de commerce et d'industrie du département, persiste : "Le projet il faut le maintenir dans son état global, c'est un projet qui est attractif et résilient,
et qui propose beaucoup de solutions pour le département avec la
réutilisation des eaux usées", avant d'ajouter "s'il en est autrement un
jour, ce serait une faiblesse juridique".
L'Etat ne soutient pas le projet
Désormais,
c'est au tribunal administratif d**'examiner le fonds du dossier**, et
la demande d'annulation du projet des opposants. Ils attendent également
beaucoup du ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu, qui
a promis d'apporter des réponses très prochainement, après avoir
rencontré les acteurs autour de ce projet.
Invité ce vendredi matin sur France 2, Christophe Béchu a déclaré "je ne soutiens pas" le projet de construction, confirmant que "dans
15 jours la maire de Villeneuve et l'aménageur seront dans mon bureau,
pour que je leur fasse part de mon analyse, de mes critiques et des
points sur lesquels j'attends des explications".
Si rien
n'était fait pour arrêter le projet, les opposants notamment des
Soulèvements de la Terre se disent déjà prêts à durcir le mouvement.
L’Association Ma Zone Contrôlée siège au Conseil d’Administration de l’ANCCLI…
Alors que les députés examinent lundi 11 mars le projet
de loi de refonte de la sûreté nucléaire, le président des commissions
locales d’information du public, maillons importants du système, alerte
dans Mediapart contre « un projet technocratique dangereux »…
C’est
une organisation peu connue du grand public mais qui se trouve au cœur
du système français de sûreté nucléaire. L’Association nationale des
comités et commissions locales d’information (Anccli)
a été créée en 2000 pour organiser le dialogue entre le public vivant à
proximité des installations nucléaires (réacteurs de production
d’électricité, stockage de déchets, usines de combustibles, etc.) et les
exploitants (EDF, Orano, CEA, Andra), ainsi que les instances de sûreté
(ASN et IRSN).
L’information des habitant·es est considérée en France comme un
pilier du système de sûreté et repose sur un principe de transparence
exigé des exploitants. Dans ce but, un Haut Comité pour la transparence et l’information sur la sécurité nucléaire (HCTSIN) a été créé en 2006.
C’est au double titre de président de l’Anccli et de membre du HCTSIN
que Jean-Claude Delalonde alerte aujourd’hui sur la précipitation du
gouvernement à fusionner les instances de sûreté nucléaire : « C’est
un projet technocratique dangereux. Le principe de précaution serait
d’exiger un rapport sérieux. Il existe 12 groupes de travail aujourd’hui
à l’ASN et l’IRSN qui travaillent sur ce projet. Laissons le temps de
travailler aux gens qui font la confiance du nucléaire. Il n’y a aucune
urgence. »
Lundi 11 mars, jour anniversaire de la catastrophe de Fukushima au Japon en 2011, les député·es commencent l’examen du projet de loi de fusion de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) et de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN).
Depuis un an, il fait l’objet d’un rejet massif des personnels de ce
dernier ainsi que d’une grande partie du monde de l’atome. En commission
début mars, les député·es ont adopté un amendement rejetant le
démantèlement de l’IRSN. Mais le gouvernement devrait revenir à la
charge lundi dans l’hémicycle. Pour Jean-Claude Delalonde, « ces gens-là seront responsables et passibles de poursuites en justice en cas d’accident nucléaire ».
Mediapart : Pourquoi vous opposez-vous au projet de loi de fusion de l’IRSN et de l’ASN ?
Jean-Claude Delalonde: Je suis catastrophé quand j’entends Roland Lescure [ministre de l’industrie – ndlr],
que j’ai eu au téléphone à sa demande il y a 15 jours, dire que si l’on
émet le moindre doute, le moindre désaccord avec ce projet, cela veut
dire qu’on est antinucléaire. Ces gens-là seront responsables et
passibles de poursuites en justice en cas d’accident nucléaire. C’est
notre sûreté et notre sécurité qui sont en jeu : notre bien-vivre avec
le nucléaire.
Je voudrais leur rappeler que les CLI [commissions locales d’information sur le nucléaire – ndlr]
que nous représentons existent depuis quarante-trois ans. L’Anccli
existe depuis vingt-quatre ans et je la préside depuis vingt ans. Les
CLI sont à la main, dans leur composition, des présidents des
départements où se trouvent des installations nucléaires. Ces CLI sont
composées à 75 % de gens favorables au nucléaire et à 25 % de personnes
« contre ». À l’Anccli, nous sommes 125 personnes qui en constituent la
gouvernance, avec 75 % d’entre elles qui sont favorables au nucléaire et
25 % qui lui sont défavorables. Pour un quart, ce sont des élus
politiques, pour un autre quart, des syndicalistes qui travaillent dans
les instances nucléaires, pour un autre quart encore, ce sont des
associations de défense de l’environnement, souvent antinucléaires. Et
pour le dernier quart, ce sont des personnes dites qualifiées. Depuis
vingt ans que je préside l’Anccli, toutes les positions et toutes les
décisions ont été prises à l’unanimité. Parce que ce qui nous rassemble,
ce qui nous guide, ce qui nous habite, c’est la sûreté nucléaire.
Quels sont les problèmes de ce projet de loi, selon vous ?
Je ne suis pas en désaccord avec le gouvernement quand il dit que, du
fait du programme de relance du nucléaire, il faut adapter notre
organisation et être plus efficaces. Mais quand on fait cela, on
commande un audit, une analyse sérieuse de notre organisation pour voir
là où le bât blesse.
C’est ce qui avait été fait, il y a vingt ans, par le parlementaire
président de l’OPECST – l’Office parlementaire d’évaluation des choix
scientifiques et technologiques – Jean-Yves Le Déaut, dans un rapport
qui a donné naissance à l’IRSN et à l’ASN.
Mais aujourd’hui, il n’y a même pas de rapport. Il n’y a rien ! C’est
un projet technocratique dangereux. Le principe de précaution serait
d’exiger un rapport sérieux. Il existe 12 groupes de travail aujourd’hui
à l’ASN et l’IRSN qui travaillent sur ce projet. Laissons le temps de
travailler aux gens qui font la confiance du nucléaire. Il n’y a aucune
urgence
Que pensez-vous sur le fond de l’idée de fusionner l’ASN et l’IRSN au sein d’une nouvelle entité : l’ASNR ?
Je ne suis pas contre le principe de la réforme. Mais il n’y a aucune
urgence à légiférer. Il y a une unanimité dans les personnels de l’ASN,
dans les personnels de l’IRSN et du CEA [Commissariat à l’énergie atomique] –
dont le conseil national, l’équivalent d’un comité d’entreprise,
demande à sa direction d’appuyer auprès du gouvernement pour abandonner
ce projet.
L’année dernière, on a voté une loi d’accélération du nucléaire. Il
fallait aller vite : 51,3 milliards d’euros ont été annoncés pour
financer trois paires de nouveaux réacteurs EPR. Et il y a quelques
jours, on apprend
que les EPR vont coûter 30 % de plus que prévu et qu’on perd déjà un an
sur le calendrier. Mais c’est scandaleux ! Aucune étude sérieuse
n’avait donc été faite.
Manifestation contre le démantèlement de l’IRSN à Paris, le 8 février 2024. Photo: Jade Lindgaard.
Concernant la réforme de la sûreté, nous ne sommes pas contre. Mais
nous sommes contre cette précipitation. Si demain il y a un accident
nucléaire, alors que depuis vingt ans notre système est robuste, je pose
la question au président de la République, aux ministres Roland
Lescure, Christophe Béchu [écologie], Bruno Le Maire [économie],
et à tous les parlementaires qui auront voté cette loi :
accepterez-vous de passer en justice s’il y a un accident à cause de
cette réforme, car vous aurez été trop vite ? Vous serez responsables et
coupables. Il y aura une révolte citoyenne et vous serez les fossoyeurs
du nucléaire.
Après le rejet de cette fusion par les parlementaires en 2023, l’OPECST a publié un rapport surles
conséquences d’une éventuelle réorganisation de l’ASN et de l’IRSN,
rédigé par le député Jean-Luc Fugit et le sénateur Stéphane Piednoir. Ce n’est pas suffisant ?
Ce rapport dit qu’il faut fluidifier le système et regrouper l’ASN et
l’IRSN dans une seule autorité. Mais ce n’est pas ce que fait la loi.
Elle démantèle. Elle disperse. Actuellement, il y a une ASN qui a des
experts en son sein, et il y a une IRSN qui a la maîtrise totale et
reconnue internationalement de l’expertise. Mais avec la nouvelle entité
intégrée, une partie des experts de l’IRSN vont partir au ministère de
la défense et au CEA. On dit qu’on va regrouper, mais ce n’est pas vrai.
On disperse les forces en distinguant les chercheurs et les experts.
Alors que tout le monde sait qu’un bon chercheur devient un bon expert
et que pour devenir un bon expert, il faut aussi être chercheur. Tous
ces gens qui travaillent ensemble depuis vingt ans vont être disséminés.
Autre point : la nouvelle autorité n’intègre pas la sécurité [la
protection contre les menaces externes, à distinguer de la sûreté qui
concerne les dysfonctionnements techniques internes – ndlr]. Alors
que les trois présidents successifs de l’ASN depuis 2008, André-Claude
Lacoste, Pierre-Franck Chevet et Bernard Doroszczuk, demandent de
regrouper sécurité et sûreté. Résultat : la sûreté va subir un coup
extrêmement dur. Ce n’est donc pas du tout la question d’être pour ou
contre le nucléaire, c’est un faux débat.
Selon« Le Canard enchaîné », l’ancien patron CEA, Daniel Verwaerde, a écrit un rapport classé secret-défense demandant le démantèlement de l’IRSN. L’avez-vous lu ?
Si ce rapport existe, il est grave de ne pas le sortir. Nous
demandons que ce rapport soit mis à la disposition des experts de l’ASN
et de l’IRSN qui ont été mandatés officiellement pour préparer le
rapprochement. Donnons-leur les éléments pour voir s’il y a des pistes
de réflexion à mener sérieusement et à présenter au Parlement.
Ça fait vingt ans que je travaille avec les exploitants et EDF. On
arrive à dialoguer, même si on n’est pas toujours d’accord. Mais je n’ai
jamais réussi à dialoguer avec le CEA. Je vais vous raconter une
anecdote. Je suis membre du Haut Comité pour la transparence du
nucléaire depuis sa création. Lorsqu’il a été installé en 2008, son
président s’appelait Henri Revol, un ancien sénateur. À l’époque,
siégeait aussi au Haut Comité l’administrateur du CEA, Bernard Bigot,
aujourd’hui décédé. Quand il a quitté le CEA, il est devenu le grand
patron d’Iter et a été remplacé par Daniel Verwaerde.
Un jour, M. Revol m’invite à l’accompagner pour rencontrer M. Bigot à
son bureau du CEA pour lui demander de partager au Haut Comité des
informations que le CEA ne voulait pas donner. Après nous avoir fait
attendre pendant une heure, l’entretien a duré cinq minutes. Et le
président du Haut Comité s’est entendu dire par M. Bigot : « Vous savez à qui vous parlez ? Au vice-premier ministre de la France. » Quand [le mathématicien]
Cédric Villani parle d’une technostructure dangereuse, c’est de cela
qu’il parle. Des gens peut-être compétents mais qui ont un sentiment
d’impunité. Ils pensent qu’ils peuvent tout faire.
Le CEA est-il une boîte noire du nucléaire ?
Non. Je comprends que le CEA travaille sur des sujets secret-défense
qui ne doivent pas être mis sur la place publique. J’entends qu’il
existe des secrets industriels et commerciaux. Mais ce n’est pas une
raison, quand on demande des explications, pour nous répondre
systématiquement : « Circulez, il n’y a rien à voir. » Je ne suis pas un
antinucléaire. Je fais partie de ceux qui sont pour le nucléaire. Mais
dans de bonnes conditions.
Le monde du nucléaire souffre-t-il d’un excès d’assurance ?
Je vais vous citer une autre anecdote. Lorsqu’il y a eu l’accident de
Fukushima, beaucoup se sont félicités de la transparence de l’IRSN et
de son suivi de la situation internationale. Il a été demandé à son
directeur général, Jacques Repussard, d’évaluer le coût économique d’une
catastrophe nucléaire. À partir des éléments provenant de ses experts,
et de tous ceux qui travaillaient sur le sujet, il a sorti un chiffre
qui a fait polémique : environ 450 milliards d’euros. Et il s’est
retrouvé sur le banc des accusés.
L’année dernière, j’ai fait partie d’une mission avec le Haut Comité à
la transparence à Fukushima. J’ai rencontré les responsables
ministériels en charge de la sûreté et de l’équivalent de l’ASN. Nous
avons rencontré Tepco, l’opérateur de la centrale nucléaire. J’ai posé
la question aux responsables du ministère japonais de l’économie : douze
ans après, combien avez-vous dépensé pour la catastrophe nucléaire de
Fukushima, en dehors des dépenses liées à la gestion du tsunami ? Ils
m’ont répondu : 450 milliards d’euros.
Notre système de sûreté nucléaire, aujourd’hui robuste, basé sur
quatre piliers, est le résultat de vingt ans de dialogue et de
négociations. Nos exploitants sont sérieux, même si, de temps en temps,
il y a des falsifications et des malversations. On a un gendarme du
nucléaire, l’ASN, qui est sérieux. On a des experts, à l’IRSN, qui sont
compétents. Et on a une société civile vigilante avec les CLI et
l’Anccli. Ces quatre piliers constituent la robustesse de notre système
de sûreté. Si on la met à mal, demain, un accident va survenir.
Et nos députés, d’un revers de la main, comme s’ils venaient de
naître, donnent l’impression d’avoir oublié Tchernobyl et Fukushima et
de penser que s’il y a un accident nucléaire, ce n’est pas grave, il
s’arrêtera aux frontières de la France. Ou du Pas-de-Calais, si
l’accident se passe à Gravelines. Ce n’est pas sérieux.