Ce blog rassemble, à la manière d'un journal participatif, les messages postés à l'adresse lemurparle@gmail.com par les personnes qui fréquentent, de près ou de loin, les cafés repaires de Villefranche de Conflent et de Perpignan.
Mais pas que.
Et oui, vous aussi vous pouvez y participer, nous faire partager vos infos, vos réactions, vos coups de coeur et vos coups de gueule, tout ce qui nous aidera à nous serrer les coudes, ensemble, face à tout ce que l'on nous sert de pré-mâché, de préconisé, de prêt-à-penser. Vous avez l'adresse mail, @ bientôt de vous lire...

BLOG EN COURS D'ACTUALISATION...
...MERCI DE VOTRE COMPREHENSION...

jeudi 28 mars 2024

Un policier violent multirécidiviste condamné à de la prison ferme


 

Un policier violent multirécidiviste condamné à de la prison ferme

 

Six mois ferme et interdiction d’exercer en tant que policier pour avoir passé à tabac un jeune

 22/03/2024

 Par Jeanne Actu

Le 11 octobre 2021, deux jeunes de St Ouen sont frappés par des policiers. L’un perd même deux dents. L’agent Franck V., qui a donné l’essentiel des coups, est un multirécidiviste dont la réputation violente est déjà bien connue des prétoires.

Tribunal de Bobigny (93) – « Je ne sais plus. » Le policier Franck V. n’a décidément que cette formule à la bouche lorsque le tribunal le questionne. Du côté des deux victimes, Rayan S. et Enzo D., les souvenirs des violences policières que l’agent leur a infligées le 11 octobre 2021 à Saint-Ouen (93) sont pourtant encore clairs et frais.

Ce jour-là, vers 21h30, une équipe de six policiers de la Compagnie d’intervention du 19ème – une formation de la BRAV-M, les motards de la police – plonge dans un quartier populaire de Saint-Ouen pour « montrer [à des collègues] une cité connue pour le trafic, dans le but d’interpeller » selon une policière présente lors de l’intervention, interrogée par l’IGPN. Enzo D. et Rayan S. sont posés à l’entrée des tours et discutent calmement. Le premier sur une chaise, le second sur un pot de fleurs.

La bouche en sang

Voyant les policiers arriver d’un chemin sombre, Enzo – qui fait office de guetteur – crie « Artena » pour prévenir de l’arrivée de la police. L’équipe de policiers cagoulés jusqu’au nez, à l’exception du chef, court alors dans la direction des jeunes, qui ne bougent pas. L’agent Franck V. saute sur les jeunes. Il donne un coup de matraque dans la bouche de Rayan, déjà étranglé par un autre policier. Puis un coup-de-poing dans l’œil d’Enzo. Rayan tombe au sol, il a la bouche en sang, deux dents sont cassées et l’œil d’Enzo se met à gonfler. Rayan raconte :

« J’ai pas eu le temps de parler que je me suis pris un coup dans la bouche. C’était un coup de matraque porté de manière gratuite. »

Il est ensuite traîné au sol jusque dans « un endroit sombre », se rappellent les victimes. Les deux jeunes sont fouillés face à un mur par les policiers qui se seraient moqués d’eux : « On s’en bat les couilles de tes dents », « J’espère que t’as une bonne mutuelle », « Tu peux même pas tenir sur tes deux jambes ». « Fils de pute », leur aurait même lancé un bleu. Les policiers relâchent les deux jeunes hommes après avoir trouvé sur Enzo 140 euros et un peu de cannabis dans les poches.

Suite aux violences, Rayan court chez lui. Sa grand-mère et sa tante le retrouvent avec la bouche et les mains pleines de sang. La matriarche crie par la fenêtre en direction des forces de l’ordre, toujours en bas du bâtiment, pour avoir des explications. « Ferme-là et vient récupérer ses affaires », auraient lancé les policiers à la retraitée.

Amnésie sélective

Rayan veut porter plainte. Au commissariat, on lui répond de se tourner vers l’IGPN. Une enquête est ouverte et les policiers sont auditionnés. Très rapidement, les soupçons se portent sur Franck V., reconnu par Enzo et Rayan, malgré l’absence totale de numéro RIO pour toute l’escouade. De nombreuses versions se font face chez les bleus. Certains disent que l’équipe a fait usage de la force, tandis que d’autres nient ou offrent différentes explications pour les blessures de Rayan. Il ne serait pas tombé, il se serait cassé les dents juste avant le contrôle ou bien ce serait des dealeurs qui lui auraient cassé les dents. Des versions ne plaisent pas au tribunal qui y trouve des « discordances majeures, qui interrogent », selon une juge assesseur.

Dans la salle d’audience, c’est au tour du policier Franck V. d’expliquer sa version des faits. Il bégaie et n’est pas très confiant. L’homme en chemise moulante, jean, chaussures de sport et au tatouage tribal le long de l’oreille joue la carte de l’amnésie. Ses « Je ne sais pas » récurrents ont le don d’agacer les magistrats. L’un des juges s’exclame :

« C’est trop facile de ne se souvenir de rien. Si c’est votre seule défense, les bras m’en tombent. »

Le policier continue de bafouiller : « Je l’ai dit dans l’audition, je ne me rappelle pas de grand-chose, il s’était rien passé de… Je ne me souviens pas de toutes mes interventions de tous les jours ». Pour justifier les différentes versions de ses collègues, Franck V. ajoute que c’est normal, avec le temps, « tout le monde ne se rappelle pas la même chose de l’intervention ». « C’est rare qu’on ait à 100% tous la même version », affirme-t-il. Mais malgré l’amnésie, une chose est suffisamment sûre pour qu’il affirme droit dans ses baskets : « Je n’ai pas porté le coup ce jour-là. » Selon lui, il n’aurait d’ailleurs « même pas » eu de matraque en main. Et selon le policier, si Rayan « était en sang avec des dents cassées, il ne serait pas reparti comme ça. On aurait appelé les pompiers ou on l’aurait gardé avec nous ».

Déjà deux condamnations pour violence

Cet ancien militaire se dit « habitué à être remis en cause ». Un euphémisme : si sa direction le décrit comme « ayant du mal à canaliser son énergie et son surplus de dynamisme », il a surtout déjà été condamné à deux reprises par son « moyen respect de la déontologie ». Pour la première, il reçoit une amende pour un coup de matraque dans l’arcade d’un jeune à Pantin. La deuxième, en 2019, c’est même une condamnation à trois mois de prison avec sursis pour avoir frappé une femme, lui provoquant 20 jours d’ITT. Il avait à l’époque créé une cagnotte pour l’aider à payer ses frais juridiques, partagée sur le groupe Facebook pro-police « Hors Service » où il indiquait agir parfois « trop virilement ».

L’agression de Rayan est la fois de trop. Après environ trois heures d’audience, le tribunal condamne l’agent à six mois d’emprisonnement ferme. Il lui est interdit définitivement d’exercer en tant que policier et son port d’armes lui est retiré pour cinq ans. Il doit verser 6.513 euros à Rayan et un euro symbolique à Enzo – conformément à sa demande. 

Source : https://www.streetpress.com/sujet/1711125369-policier-multirecidiviste-violences-condamne-prison-ferme-saint-ouen

mercredi 27 mars 2024

Projet de golf à Villeneuve-de-la-Raho : vers un durcissement des positions ?

Projet de golf 

à Villeneuve-de-la-Raho : 

vers un durcissement 

des positions ?


Alors que le juge des référés a débouté les deux recours des opposants au projet de golf de Villeneuve-de-la-Raho ce vendredi 22 mars, chaque partie décide de camper sur ses positions. Le mouvement pourrait se durcir du côté des opposants.


Vendredi 22 mars 2024 

Le chantier de terrassement du futur golf de Villeneuve-de-la-Raho est en cours © Radio France - Clothilde Jupon

Première douche froide pour les opposants au projet de Villeneuve-de-la-Raho : le juge des référés a débouté les deux recours déposés par Frene 66, ainsi que par Agissons et Pays Catalan Écologie, ce vendredi 22 mars.

La sécheresse remise en question

Les opposants demandaient la suspension de la déclaration d'utilité publique du projet de complexe immobilier et du golf mais le juge a estimé qu'il n'y avait "aucune urgence à interrompre le projet" car, selon lui, "la sécheresse n'est pas un argument suffisant".

Pour Nicolas Berjoan, secrétaire départemental des Ecologistes c'est la douche froide : "on se ment aujourd'hui, on ne veut pas regarder la vérité en face ! Depuis 20 ans, les scientifiques annoncent que le Roussillon va développer un climat semi-aride, donc je ne comprends pas que certains osent dire que la sécheresse dans notre département est seulement conjoncturelle".

Le plaidoyer des opposants s'appuyait sur plusieurs études montrant que le département connaît une sécheresse sans précédents depuis presque trois ans.

Laurent Gauze, le président de la chambre de commerce et d'industrie du département, persiste : "Le projet il faut le maintenir dans son état global, c'est un projet qui est attractif et résilient, et qui propose beaucoup de solutions pour le département avec la réutilisation des eaux usées", avant d'ajouter "s'il en est autrement un jour, ce serait une faiblesse juridique".

L'Etat ne soutient pas le projet

Désormais, c'est au tribunal administratif d**'examiner le fonds du dossier**, et la demande d'annulation du projet des opposants. Ils attendent également beaucoup du ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu, qui a promis d'apporter des réponses très prochainement, après avoir rencontré les acteurs autour de ce projet.

Invité ce vendredi matin sur France 2, Christophe Béchu a déclaré "je ne soutiens pas" le projet de construction, confirmant que "dans 15 jours la maire de Villeneuve et l'aménageur seront dans mon bureau, pour que je leur fasse part de mon analyse, de mes critiques et des points sur lesquels j'attends des explications".

Si rien n'était fait pour arrêter le projet, les opposants notamment des Soulèvements de la Terre se disent déjà prêts à durcir le mouvement.

 "On ne s'interdira rien !" nous ont-ils confié.


Source : https://www.francebleu.fr/infos/environnement/projet-de-golf-a-villeneuve-de-la-raho-vers-un-durcissement-des-positions-7079494?fbclid=IwAR03G1qCZIXD0ZNMxFmULL3njWaJDhOoO2AsJk-l3mAzBY6yC6GQdnSaa5U

dimanche 24 mars 2024

Nucléaire - Avec le projet de fusion « la sûreté va subir un coup extrêmement dur »

 

Avec le projet de fusion 

« la sûreté va subir 

un coup extrêmement dur »

 | Mediapart

 

by  • 

Ce qui nous rassemble ici aussi,

ce qui nous guide ici aussi,

ce qui nous habite ici aussi,

c’est la sûreté nucléaire !

L’Association Ma Zone Contrôlée siège au Conseil d’Administration de l’ANCCLI…


Alors que les députés examinent lundi 11 mars le projet de loi de refonte de la sûreté nucléaire, le président des commissions locales d’information du public, maillons importants du système, alerte dans Mediapart contre « un projet technocratique dangereux »…

Source : Nucléaire : avec le projet de fusion, « la sûreté va subir un coup extrêmement dur » | Mediapart 

Jade Lindgaard

C’est une organisation peu connue du grand public mais qui se trouve au cœur du système français de sûreté nucléaire. L’Association nationale des comités et commissions locales d’information (Anccli) a été créée en 2000 pour organiser le dialogue entre le public vivant à proximité des installations nucléaires (réacteurs de production d’électricité, stockage de déchets, usines de combustibles, etc.) et les exploitants (EDF, Orano, CEA, Andra), ainsi que les instances de sûreté (ASN et IRSN).

L’information des habitant·es est considérée en France comme un pilier du système de sûreté et repose sur un principe de transparence exigé des exploitants. Dans ce but, un Haut Comité pour la transparence et l’information sur la sécurité nucléaire (HCTSIN) a été créé en 2006.

C’est au double titre de président de l’Anccli et de membre du HCTSIN que Jean-Claude Delalonde alerte aujourd’hui sur la précipitation du gouvernement à fusionner les instances de sûreté nucléaire : « C’est un projet technocratique dangereux. Le principe de précaution serait d’exiger un rapport sérieux. Il existe 12 groupes de travail aujourd’hui à l’ASN et l’IRSN qui travaillent sur ce projet. Laissons le temps de travailler aux gens qui font la confiance du nucléaire. Il n’y a aucune urgence. »

Lundi 11 mars, jour anniversaire de la catastrophe de Fukushima au Japon en 2011, les député·es commencent l’examen du projet de loi de fusion de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) et de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN).

Depuis un an, il fait l’objet d’un rejet massif des personnels de ce dernier ainsi que d’une grande partie du monde de l’atome. En commission début mars, les député·es ont adopté un amendement rejetant le démantèlement de l’IRSN. Mais le gouvernement devrait revenir à la charge lundi dans l’hémicycle. Pour Jean-Claude Delalonde, « ces gens-là seront responsables et passibles de poursuites en justice en cas d’accident nucléaire ».

Mediapart : Pourquoi vous opposez-vous au projet de loi de fusion de l’IRSN et de l’ASN ?

Jean-Claude Delalonde : Je suis catastrophé quand j’entends Roland Lescure [ministre de l’industrie – ndlr], que j’ai eu au téléphone à sa demande il y a 15 jours, dire que si l’on émet le moindre doute, le moindre désaccord avec ce projet, cela veut dire qu’on est antinucléaire. Ces gens-là seront responsables et passibles de poursuites en justice en cas d’accident nucléaire. C’est notre sûreté et notre sécurité qui sont en jeu : notre bien-vivre avec le nucléaire.

Je voudrais leur rappeler que les CLI [commissions locales d’information sur le nucléaire – ndlr] que nous représentons existent depuis quarante-trois ans. L’Anccli existe depuis vingt-quatre ans et je la préside depuis vingt ans. Les CLI sont à la main, dans leur composition, des présidents des départements où se trouvent des installations nucléaires. Ces CLI sont composées à 75 % de gens favorables au nucléaire et à 25 % de personnes « contre ». À l’Anccli, nous sommes 125 personnes qui en constituent la gouvernance, avec 75 % d’entre elles qui sont favorables au nucléaire et 25 % qui lui sont défavorables. Pour un quart, ce sont des élus politiques, pour un autre quart, des syndicalistes qui travaillent dans les instances nucléaires, pour un autre quart encore, ce sont des associations de défense de l’environnement, souvent antinucléaires. Et pour le dernier quart, ce sont des personnes dites qualifiées. Depuis vingt ans que je préside l’Anccli, toutes les positions et toutes les décisions ont été prises à l’unanimité. Parce que ce qui nous rassemble, ce qui nous guide, ce qui nous habite, c’est la sûreté nucléaire.

Quels sont les problèmes de ce projet de loi, selon vous ?

Je ne suis pas en désaccord avec le gouvernement quand il dit que, du fait du programme de relance du nucléaire, il faut adapter notre organisation et être plus efficaces. Mais quand on fait cela, on commande un audit, une analyse sérieuse de notre organisation pour voir là où le bât blesse.

C’est ce qui avait été fait, il y a vingt ans, par le parlementaire président de l’OPECST – l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques – Jean-Yves Le Déaut, dans un rapport qui a donné naissance à l’IRSN et à l’ASN.

Mais aujourd’hui, il n’y a même pas de rapport. Il n’y a rien ! C’est un projet technocratique dangereux. Le principe de précaution serait d’exiger un rapport sérieux. Il existe 12 groupes de travail aujourd’hui à l’ASN et l’IRSN qui travaillent sur ce projet. Laissons le temps de travailler aux gens qui font la confiance du nucléaire. Il n’y a aucune urgence

Que pensez-vous sur le fond de l’idée de fusionner l’ASN et l’IRSN au sein d’une nouvelle entité : l’ASNR ?

Je ne suis pas contre le principe de la réforme. Mais il n’y a aucune urgence à légiférer. Il y a une unanimité dans les personnels de l’ASN, dans les personnels de l’IRSN et du CEA [Commissariat à l’énergie atomique] – dont le conseil national, l’équivalent d’un comité d’entreprise, demande à sa direction d’appuyer auprès du gouvernement pour abandonner ce projet.

L’année dernière, on a voté une loi d’accélération du nucléaire. Il fallait aller vite : 51,3 milliards d’euros ont été annoncés pour financer trois paires de nouveaux réacteurs EPR. Et il y a quelques jours, on apprend que les EPR vont coûter 30 % de plus que prévu et qu’on perd déjà un an sur le calendrier. Mais c’est scandaleux ! Aucune étude sérieuse n’avait donc été faite.

Manifestation contre le démantèlement de l’IRSN à Paris, le 8 février 2024. Photo: Jade Lindgaard.

Concernant la réforme de la sûreté, nous ne sommes pas contre. Mais nous sommes contre cette précipitation. Si demain il y a un accident nucléaire, alors que depuis vingt ans notre système est robuste, je pose la question au président de la République, aux ministres Roland Lescure, Christophe Béchu [écologie], Bruno Le Maire [économie], et à tous les parlementaires qui auront voté cette loi : accepterez-vous de passer en justice s’il y a un accident à cause de cette réforme, car vous aurez été trop vite ? Vous serez responsables et coupables. Il y aura une révolte citoyenne et vous serez les fossoyeurs du nucléaire.

Après le rejet de cette fusion par les parlementaires en 2023, l’OPECST a publié un rapport sur les conséquences d’une éventuelle réorganisation de l’ASN et de l’IRSN, rédigé par le député Jean-Luc Fugit et le sénateur Stéphane Piednoir. Ce n’est pas suffisant ?

Ce rapport dit qu’il faut fluidifier le système et regrouper l’ASN et l’IRSN dans une seule autorité. Mais ce n’est pas ce que fait la loi. Elle démantèle. Elle disperse. Actuellement, il y a une ASN qui a des experts en son sein, et il y a une IRSN qui a la maîtrise totale et reconnue internationalement de l’expertise. Mais avec la nouvelle entité intégrée, une partie des experts de l’IRSN vont partir au ministère de la défense et au CEA. On dit qu’on va regrouper, mais ce n’est pas vrai. On disperse les forces en distinguant les chercheurs et les experts. Alors que tout le monde sait qu’un bon chercheur devient un bon expert et que pour devenir un bon expert, il faut aussi être chercheur. Tous ces gens qui travaillent ensemble depuis vingt ans vont être disséminés.

Autre point : la nouvelle autorité n’intègre pas la sécurité [la protection contre les menaces externes, à distinguer de la sûreté qui concerne les dysfonctionnements techniques internes – ndlr]. Alors que les trois présidents successifs de l’ASN depuis 2008, André-Claude Lacoste, Pierre-Franck Chevet et Bernard Doroszczuk, demandent de regrouper sécurité et sûreté. Résultat : la sûreté va subir un coup extrêmement dur. Ce n’est donc pas du tout la question d’être pour ou contre le nucléaire, c’est un faux débat.

Selon « Le Canard enchaîné », l’ancien patron CEA, Daniel Verwaerde, a écrit un rapport classé secret-défense demandant le démantèlement de l’IRSN. L’avez-vous lu ?

Si ce rapport existe, il est grave de ne pas le sortir. Nous demandons que ce rapport soit mis à la disposition des experts de l’ASN et de l’IRSN qui ont été mandatés officiellement pour préparer le rapprochement. Donnons-leur les éléments pour voir s’il y a des pistes de réflexion à mener sérieusement et à présenter au Parlement.

Ça fait vingt ans que je travaille avec les exploitants et EDF. On arrive à dialoguer, même si on n’est pas toujours d’accord. Mais je n’ai jamais réussi à dialoguer avec le CEA. Je vais vous raconter une anecdote. Je suis membre du Haut Comité pour la transparence du nucléaire depuis sa création. Lorsqu’il a été installé en 2008, son président s’appelait Henri Revol, un ancien sénateur. À l’époque, siégeait aussi au Haut Comité l’administrateur du CEA, Bernard Bigot, aujourd’hui décédé. Quand il a quitté le CEA, il est devenu le grand patron d’Iter et a été remplacé par Daniel Verwaerde.

Un jour, M. Revol m’invite à l’accompagner pour rencontrer M. Bigot à son bureau du CEA pour lui demander de partager au Haut Comité des informations que le CEA ne voulait pas donner. Après nous avoir fait attendre pendant une heure, l’entretien a duré cinq minutes. Et le président du Haut Comité s’est entendu dire par M. Bigot : « Vous savez à qui vous parlez ? Au vice-premier ministre de la France. » Quand [le mathématicien] Cédric Villani parle d’une technostructure dangereuse, c’est de cela qu’il parle. Des gens peut-être compétents mais qui ont un sentiment d’impunité. Ils pensent qu’ils peuvent tout faire.

Le CEA est-il une boîte noire du nucléaire ?

Non. Je comprends que le CEA travaille sur des sujets secret-défense qui ne doivent pas être mis sur la place publique. J’entends qu’il existe des secrets industriels et commerciaux. Mais ce n’est pas une raison, quand on demande des explications, pour nous répondre systématiquement : « Circulez, il n’y a rien à voir. » Je ne suis pas un antinucléaire. Je fais partie de ceux qui sont pour le nucléaire. Mais dans de bonnes conditions.

Le monde du nucléaire souffre-t-il d’un excès d’assurance ?

Je vais vous citer une autre anecdote. Lorsqu’il y a eu l’accident de Fukushima, beaucoup se sont félicités de la transparence de l’IRSN et de son suivi de la situation internationale. Il a été demandé à son directeur général, Jacques Repussard, d’évaluer le coût économique d’une catastrophe nucléaire. À partir des éléments provenant de ses experts, et de tous ceux qui travaillaient sur le sujet, il a sorti un chiffre qui a fait polémique : environ 450 milliards d’euros. Et il s’est retrouvé sur le banc des accusés.

L’année dernière, j’ai fait partie d’une mission avec le Haut Comité à la transparence à Fukushima. J’ai rencontré les responsables ministériels en charge de la sûreté et de l’équivalent de l’ASN. Nous avons rencontré Tepco, l’opérateur de la centrale nucléaire. J’ai posé la question aux responsables du ministère japonais de l’économie : douze ans après, combien avez-vous dépensé pour la catastrophe nucléaire de Fukushima, en dehors des dépenses liées à la gestion du tsunami ? Ils m’ont répondu : 450 milliards d’euros.

Notre système de sûreté nucléaire, aujourd’hui robuste, basé sur quatre piliers, est le résultat de vingt ans de dialogue et de négociations. Nos exploitants sont sérieux, même si, de temps en temps, il y a des falsifications et des malversations. On a un gendarme du nucléaire, l’ASN, qui est sérieux. On a des experts, à l’IRSN, qui sont compétents. Et on a une société civile vigilante avec les CLI et l’Anccli. Ces quatre piliers constituent la robustesse de notre système de sûreté. Si on la met à mal, demain, un accident va survenir.

Et nos députés, d’un revers de la main, comme s’ils venaient de naître, donnent l’impression d’avoir oublié Tchernobyl et Fukushima et de penser que s’il y a un accident nucléaire, ce n’est pas grave, il s’arrêtera aux frontières de la France. Ou du Pas-de-Calais, si l’accident se passe à Gravelines. Ce n’est pas sérieux.