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mercredi 3 janvier 2018

Cédric Herrou. « L’État est devenu la terreur des faibles.»


Cédric Herrou. 

« L’État est devenu 

la terreur des faibles. »



Vendredi, 29 Décembre, 2017
 
L'Humanité



Photo : Valery Hache/AFP

2017 vue par Cédric Herrou, citoyen de la vallée de la Roya solidaire des migrants.

« Au cours de l’année, mon domicile est devenu une terre d’asile, “la terre de l’homme fou qui aide sans réfléchir”, disait Ousman, venu du Tchad. Seulement trois hectares de terre protégeant des hommes et des femmes poussés par la volonté de vivre. Un “camp” pour certains, une utopie pour d’autres. Le préfet n’est pas la justice, seule la justice peut entrer en propriété privée. Ici les Noirs pourchassés devenaient des hommes ayant des droits, et le préfet n’en voulait pas.

Cette terre de paix s’est transformée au fil des mois en camp retranché. Ce refuge s’est vu encerclé par les forces armées de l’État français. Jour et nuit, ils étaient des dizaines d’hommes à se relayer pour épier, surveiller, traquer. Sur les routes, les hommes armés ont encerclé le havre de paix, empêchant femmes, hommes et enfants d’accéder aux droits fondamentaux de notre République. L’État est devenu la terreur des faibles. Ici ce n’est plus la France. Ici c’est le Soudan, l’Érythrée, le Tchad, la Somalie, ici, c’est la Libye.

Ça fait peur parfois, surtout la nuit, quand on entend la porte grincer. C’est la nuit qu’on imagine le pire, les rêves font resurgir les émotions de la journée. Les pas du chat noir sur le parquet deviennent des pas de gros gaillards aux crânes rasés. Le bruit du vent dans les arbres devient une perquisition musclée. Le glapissement enroué du renard se transforme en hurlements d’une jeune femme perdue dans la forêt.

Nous étions comme des marins sur un bateau se battant contre le vent violent. Le bateau gîtait à la limite de dessaler :  vus du bateau nous avancions, vus de la terre nous reculions. Les courants nous trompaient. Deux mondes se battaient, le nôtre, sans arme ni violence, et celui orchestré par le préfet. Mais quand on n’a pas d’armes, on utilise ce qu’on a de plus fort en soi, le bon sens, l’amour  et la fraternité.

Briser le bateau d’un marin ne le tue pas, mais lui donne la rage. Pas la rage à laquelle vous pensez, celle qui rend le monde aigri, mais celle qui fait qu’on se sent en vie, celle qui donne envie de se battre pour l’amour de naviguer où bon nous semble.

En début d’année, ma volonté était que l’État prenne le relais, qu’il était de son devoir  de protéger toute personne  en danger. Puis les morts  à la frontière franco-italienne se sont banalisées, la police  et la justice sont devenues  les bras armés d’une politique dérivante et discriminante.  Le pas a été franchi,  je ne pourrai plus rien attendre de cet État, mais je garde confiance en vous, acteurs  de notre société. Que l’année 2018 soit l’année de convergence des luttes, pour que la France redevienne celle des droits des femmes et des hommes, pour  que la politique redevienne  au service du peuple.  Ne nous décourageons  pas, la lutte restera belle  tant que nous aurons confiance en elle. »


Source : https://humanite.fr/cedric-herrou-letat-est-devenu-la-terreur-des-faibles-647973

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