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mercredi 16 août 2017

"Des chercheurs réussissent à corriger un gène défectueux dans des embryons humains" et "CRISPR ET L’EMBRYON : Les scientifiques doivent-ils dire ce qu’ils souhaitent ou bien ce qu’ils croient vrai ?"



Des chercheurs réussissent 

à corriger un gène défectueux 

dans des embryons humains


En utilisant l’outil Crispr-Cas9, qui permet de modifier le génome, une équipe internationale a effacé une mutation génétique responsable d’une maladie cardiaque.

LE MONDE | Mis à jour le 03.08.2017 à 08h22 | 

     


Les « ciseaux génétiques » Crispr-Cas9, qui permettent de faire du couper-coller dans le génome, ont encore frappé. Ainsi que l’annonce une étude publiée mercredi 2 août par la revue Nature, une équipe internationale de chercheurs a, grâce à cette technique, réussi à effacer chez des embryons humains une mutation à l’origine d’une grave maladie cardiaque. Compte tenu de la réglementation, les embryons n’étaient pas destinés à être implantés et leur développement a été interrompu après quelques jours.


Cette démonstration expérimentale appuie l’idée que cette méthode pourrait être appliquée à d’autres maladies génétiques, si les interrogations sur sa sécurité et les obstacles éthiques sont dissipés. Cela impliquera des essais cliniques qui restent, selon les auteurs, « une perspective encore éloignée ».

Quelque dix mille maladies génétiques graves impliquent la mutation d’un seul gène. Parmi elles, certaines sont dites « dominantes » car il suffit que l’un ou l’autre des parents possède et transmette le gène muté pour que l’enfant soit atteint. Le risque est donc de 50 %.

A l’heure actuelle, la seule riposte possible de la médecine est le recours au diagnostic préimplantatoire, qui requiert le passage par une fécondation in vitro. Les embryons obtenus sont ensuite triés afin de n’implanter que ceux qui sont porteurs de deux versions normales du gène. Cette procédure suppose plusieurs cycles de stimulation ovarienne avant le prélèvement d’ovocytes à féconder.

« Notre but est de guérir des maladies graves, explique Paula Amato, l’une des auteurs de cette étude avec Shoukhrat Mitalipov (tous deux à l’Oregon Health and Science University, Portland). Nous avons choisi de nous pencher sur le cas d’un gène appelé MYBPC3, dont la mutation entraîne une cardiomyopathie hypertrophique. » Cette maladie du muscle cardiaque, qui touche une personne sur cinq cents, provoque principalement un épaississement de la paroi du ventricule gauche et, dans les formes les plus graves, des troubles du rythme cardiaque et des morts subites.


Ciseaux génétiques


 

Pour cette étude, qui a reçu les autorisations des comités d’éthique des universités concernées, l’équipe américano-sino-coréenne a recruté un homme porteur de la mutation du gène MYBPC3 – avec une version normale et une version mutée – et plusieurs donneuses d’ovocytes non porteuses de la mutation.

Dix-neuf ovocytes ont été fécondés de manière classique avec le sperme du donneur, sans qu’on y touche après, afin de servir de comparateurs. Pour les cinquante-huit autres, les chercheurs ont ensuite eu recours à l’outil d’édition génétique Crispr-Cas9, qui permet la réparation ciblée de l’ADN. Les embryons ont été cultivés durant trois jours. Passé ce délai, les cellules encore indifférenciées des embryons (blastomères) ont été isolées pour être séquencées.

Comme on pouvait s’y attendre, les embryons servant de contrôles se partageaient entre porteurs de la mutation et ceux qui en étaient exempts. Un fifty-fifty que l’on ne retrouvait pas chez les embryons auxquels la procédure Crispr-Cas9 avait été appliquée. Deux tiers d’entre eux portaient deux versions normales du gène, le tiers restant étant soit hétérozygote (un gène normal et un muté), soit une mosaïque (coexistence de cellules normales et de cellules hétérozygotes).

De manière prédominante, le recours aux ciseaux génétiques a entraîné une réparation homologue, mais l’existence de ces mosaïques pose un problème : un diagnostic préimplantatoire pour contrôler la bonne réussite de l’opération pourrait en effet passer à côté de cellules porteuses de la mutation.

Pour cette première expérience, l’injection de Crispr-Cas9 avait lieu lors de la phase S de la division cellulaire, celle où l’ADN est entièrement répliqué, ce qui pourrait avoir pour conséquence que certains spermatozoïdes soient porteurs de la mutation et d’autres non.

Les chercheurs ont donc changé leur approche en injectant Crispr-Cas9 en même temps que le spermatozoïde lorsque l’ovocyte était dans une phase postérieure, « ce qui permet à l’édition du génome de se produire lorsque le spermatozoïde contient à coup sûr une seule copie mutante du gène », expliquent-ils. Avec cette modification, le taux de cellules embryonnaires exemptes de la mutation a atteint 72 % et il n’y avait plus de mosaïques. De plus, l’équipe n’a décelé aucun effet « hors cible », c’est-à-dire de modification génétique non souhaitée. Le moment où le procédé est utilisé semble donc déterminant pour son efficacité.

Les auteurs de l’étude en concluent que « la correction génétique récupérerait des embryons mutants, augmenterait le nombre d’embryons disponibles pour une implantation et, au bout du compte, améliorerait le taux de grossesse ».

Limitations éthiques


L’un des auteurs, Sanjiv Kaul (lui aussi de l’Oregon Health and Science University), estime que la méthode est susceptible d’être appliquée à beaucoup d’autres mutations génétiques, notamment à celles affectant les gènes BRCA1 et BRCA2, qui prédisposent aux cancers du sein et de l’ovaire. Toutefois, Shoukhrat Mitalipov juge qu’il « y a encore une marge de progression dans l’efficacité avant de passer à un essai clinique ».


Ces travaux soulèvent des questions. Il faut tout d’abord améliorer la technique et s’assurer qu’elle évite la formation de mosaïques et du hors-cible, avant d’en venir à des implantations d’embryons. Sur le plan éthique ensuite, la convention d’Oviedo, ratifiée en 2011 par la France, autorise les interventions sur le génome humain uniquement à des fins préventives, diagnostiques et thérapeutiques, mais seulement si elles n’entraînent pas de modification dans le génome de la descendance. Cela exclurait donc le procédé employé dans cette étude.

La poursuite de ces travaux, déjà limités aux Etats-Unis par l’interdiction d’employer des fonds publics pour la recherche sur l’embryon, ne pourrait donc se faire que dans des pays aux législations plus souples, comme le Royaume-Uni. Le débat sur les frontières éthiques où doivent s’arrêter les perspectives de progrès médical ne fait que commencer.


Source : http://www.lemonde.fr/biologie/article/2017/08/02/des-chercheurs-reussissent-a-corriger-un-gene-defectueux-dans-des-embryons_5167987_1650740.html


 Autre article sur le même sujet :


CRISPR ET L’EMBRYON : 

Les scientifiques doivent-ils dire 

ce qu’ils souhaitent ou bien 

ce qu’ils croient vrai ?

Axel Kahn
6 août 2017

Après une équipe chinoise il y a environ deux ans, une équipe internationale vient de publier dans la revue Nature un article présentant les résultats de la correction embryonnaire expérimentale d’une mutation responsable de la transmission d’une maladie génétique, en l’occurrence une malformation cardiaque. Comme dans l’expérience précédente, le système CRISPR Cas9 a été utilisé.

J’ai déjà abordé cette problématique, notamment dans ces deux billets auxquels le lecteur peut avoir accès en cliquant sur les liens suivant : “RESPONSABILITÉ ET POUVOIR HUMAIN SUR LES GÉNOMES” et “EUGÉNISME, TRANSHUMANISME : MYTHE ET RÉALITÉ“. Je rappellerai ici seulement que CRISPR Cas9 est le complexe d’une enzyme, une nucléase, et d’un ARN guide qui permet de cibler son action en un site précis du génome. Découvert par la Française Emmanuelle Charpentier et l’Américaine Jennifer Doudna, ce système leur vaudra sans doute le Prix Nobel de Chimie dans les années qui viennent. Il améliore en effet dans d’énormes proportions les possibilités du génie génétique. Le Comité d’éthique commun à l’INRA, au CIRAD et à l’IFREMER que je préside instruit actuellement une saisine portant sur l’utilisation de l’outil pour modifier les génomes des plantes, puis des animaux.

L’expérience rapporté en août 2017 peut-être résumée de la sorte. Des spermatozoïdes d’un homme affecté ont été utilisés pour féconder des ovocytes normaux. Selon les lois mendéliennes de la génétique, on s’attend à ce que la moitié des embryons obtenus porte la mutation. Cependant, lorsque avec le spermatozoïde les chercheurs ont injecté un complexe CRISPR cas9 “réparateur”, 72 % des embryons obtenus étaient normaux, seulement 28% portant encore la mutation. Le complexe réparateur est obtenu en utilisant comme ARN guide une séquence identique à une portion de celle du gène morbide mais sans la mutation que l’on cherche à corriger. Les résultats publiés, comme ceux antérieurs des biologistes chinois, témoignent de ce que la réparation au niveau de l’embryon de mutations morbides est possible. Mais qu’il convient dans tous les cas de faire une étude génétique des embryons, c’est à dire un diagnostic préimplantatoire, avant la correction pour savoir ceux qu’il faut corriger (expérience chinoise) et ceux qui l’ont été (dans les deux cas).

Puisqu’on dispose dans 99% des cas, selon les lois de la génétique, d’embryons intacts et d’embryons porteurs de la mutation, le diagnostic préimplantatoire conduit logiquement au tri d’embryon, c’est à dire au transfert chez la femme des embryons intacts. Le scientifique qui les écarterait pour privilégier les embryons mutés qu’il tenterait de corriger – correction qu’il lui faudrait ensuite vérifier – serait quand même un grand pervers !  Au total, la réparation germinale d’une mutation morbide est peut-être une idée brillante mais n’a, en pratique et sans autre considération, tout simplement pas d’application. C’est là une observation de bon sens, les scientifiques n’en manquent pas !

J’ai brièvement tenté d’expliquer cela sur les ondes d’Europe 1 et de France inter mais ne sais pas ce qui a été retenu de ces interviews. En revanche, d’honorables collègues se sont enthousiasmés – pourquoi pas – en précisant que pouvoir interrompre la transmission de maladies génétiques était une perspective merveilleuse. Certes, mais, comme je l’ai montré, cela passe dans la pratique par le tri d’embryon. En revanche, la modification germinale du génome serait le passage obligatoire des desseins de transhumanisme génétique. Cela n’a pas été noté par mes collègues.

Je suis très familier de la pulsion qui pousse des scientifiques à privilégier dans leur expression publique non ce qu’ils croient – ou savent – vrais, mais ce qu’ils jugent utiles à ce qu’ils souhaitent. Après la naissance par clonage de la brebis Dolly, on a présenté les perspectives mirifiques du “clonage thérapeutique”. Il permettrait aux paralytiques de remarcher, aux malades atteint d’Alzheimer de retrouver la mémoire, aux victimes d’infarctus du myocarde de récupérer du cœur à l’ouvrage, etc. Il suffirait de fabriquer un clone embryonnaire de chaque malade et d’utiliser ses cellules souches pour réparer les lésions. J’ai alors fait remarquer, goguenard, que compte tenu de la très grande inefficacité de la méthode de clonage, on ne risquait pas de soigner grand monde ainsi. Je me suis trouvé très isolé dans mon réalisme au sein de la communauté scientifique mondiale qui, pourtant, savait vrai ce que j’avançais. Cependant, cloner l’humain est si tentant….. J’avais raison, sans surprise. Plus personne ne parle plus de “clonage thérapeutique”, des approches bien plus réalistes en ont rendu caduque la perspective.

Axel Kahn, le six août 2017

Source : http://axelkahn.fr/crispr-lembryon-scientifiques-doivent-dire-quils-souhaitent-bien-quils-croient-vrai/

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