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vendredi 20 janvier 2017

Au Burkina Faso, le coton OGM ne fait plus recette




Au Burkina Faso, 

le coton OGM 

ne fait plus recette



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Les sociétés cotonnières burkinabées ont renoncé au coton génétiquement modifié du géant Monsanto, mais les producteurs continuent de lutter pour survivre.




La blancheur immaculée du coton parsème les champs à perte de vue, dans tout le sud et l’ouest du Burkina Faso. Ici et là, des tas se forment aux abords des routes, attendant le passage des sociétés cotonnières qui nettoient, égrènent et commercialisent cet « or blanc ».

C’est un ballet immaculé qui se répète tous les ans, entre octobre et décembre. Le point d’orgue d’une année de travail pour 350 000 chefs d’exploitation et leurs centaines de milliers d’ouvriers agricoles : la récolte des capsules de coton. Quatre millions de personnes, soit environ 30 % de la population, vivent directement ou indirectement de cette production.


Une semence de coton Monsanto très chère

 

Houndé, à 250 km à l’ouest de Ouagadougou. Nikiembio Coulibaly, 48 ans, commence à récolter ses 17 hectares. Dans son champ règne le silence des travailleurs. Seuls les pépiements des oiseaux et les mugissements des bœufs se font entendre. Les mains arrachent délicatement les capsules de coton. Le geste est mécanique, appliqué, consciencieux. « Mon père était cotonculteur. Ma première récolte date de 1988, raconte Nikiembio Coulibaly. Je pense faire 15 tonnes cette année. Capsule par capsule, à la main… Vous voyez le travail que ça représente ? »

Au Burkina Faso, les producteurs de coton sont réunis en petits groupements par localités qui dépendent de l’Union nationale des producteurs de coton du Burkina (UNPCB). Le groupement de Nikiembio Coulibaly n’a pourtant pas attendu le mot d’ordre de l’UNPCB en 2016 pour en finir avec le coton génétiquement modifié (CGM) de Monsanto. « Nous sommes revenus au conventionnel dès 2012. La semence Monsanto coûtait très cher : 27 000 F CFA (41 €) pour un hectare, contre 1 000 F CFA (1,50 €) pour le conventionnel. On nous avait dit qu’on traiterait moins avec le CGM. Mais au bout de deux ans, on traitait autant qu’avant. On a perdu du temps et de l’argent avec le CGM, alors qu’on nous promettait un rendement supplémentaire de 30 % par hectare et 60 % des gains. »

Le coton, première rentrée d’argent du Burkina Faso

 

La campagne 2016-2017 sera 100 % conventionnelle au Burkina Faso. Une première depuis 2009. Pour comprendre ce revirement, il faut remonter aux années 1990. À cette époque, les chenilles et les mouches blanches font des ravages et les autorités prennent les choses au sérieux. Et pour cause : le coton est une véritable culture de rente.

Appuyée par la France depuis l’époque coloniale, la recherche a permis au coton burkinabé de figurer parmi les meilleurs du monde. Ses revenus comptent pour 4 % du PIB, première rentrée d’argent du pays jusqu’en 2009. Avec 720 000 tonnes produites en 2008-2009, dont 95 % sont transformées à l’étranger, le Burkina Faso est devenu le premier producteur de coton d’Afrique subsaharienne.

Un coton OGM contre les ravageurs

 

Début 2000, Monsanto et le Burkina Faso travaillent sur Bollgard II, la deuxième génération de coton génétiquement modifié produisant la toxine Bt pour contrer les ravageurs. Ils la testent en milieu confiné en 2003. Après trois générations de back-cross (croisement d’un élément hybride avec un de ses parents afin d’obtenir un résultat génétique proche de ce dernier), le CGM est commercialisé à grande échelle en 2008-2009.

L’euphorie aura été de courte durée. « Notre coton burkinabé était traditionnellement incomparable, de grande qualité grâce à sa longue fibre. On faisait la différence », explique Karim Traoré, président de l’UNPCB. Or, dès la deuxième récolte, les professionnels constatent que la longueur de la fibre s’est dégradée. Plus courte de 0,8 mm, elle perdait toute sa valeur. En 2013-2014, deux tiers de la récolte sont jugés de qualité moyenne à basse, soit un déclin de 40 % depuis 2005-2006. « Ce n’était pas du tout de notre gré. On a perdu notre label et on n’écoulait plus le stock. Nous produisons du coton parce que nous voulons de l’argent. »

 

Un coton Monsanto de moins bonne qualité


Pendant quelques années, l’affaire reste confidentielle. « Ils n’ont jamais cru qu’on oserait arrêter avec eux malgré nos avertissements », se souvient Karim Traoré. Au Burkina Faso comme chez Monsanto, on reconnaît aujourd’hui, sous couvert d’anonymat, que les tests ont été bâclés. « Nous avons foncé droit dans le mur. Nous aurions dû faire au moins sept back-cross pour être sûrs qu’il n’y aurait pas d’interférences entre Bollgard II et les caractéristiques de notre coton », explique un scientifique burkinabé. Mais Karim Traoré ne ferme toutefois pas la porte à Monsanto (aujourd’hui Bayer) : « On attend qu’ils retravaillent leur coton Bt. Ce n’est pas un abandon, mais une suspension. »


Dans les champs, les sentiments sont mitigés. Lohan Wanhoun, le voisin de parcelle de Nikiembio Coulibaly, s’agace. « La Sofitex (Société des fibres textiles) a perdu de l’argent avec Monsanto. Mais nous, combien de fois on a perdu ? » Dans leur groupement, le coton génétiquement modifié n’est plus le bienvenu. Mais Monsanto est loin d’être leur seule source de mécontentement. Les producteurs se sentent prisonniers de l’organisation verticale de la filière, sur laquelle ils n’ont aucune prise.

Le coton, une filière qui lutte peu contre la pauvreté

 

Selon le programme national d’investissement agricole de 2008, le coton est la filière qui contribue le moins à la réduction de la pauvreté. En effet, le risque d’endettement des producteurs est considérable, surtout en cas de mauvaise gestion des emprunts sur les intrants agricoles.

« Tout est coûteux. On doit faire un prêt à la Sofitex en début de saison pour acheter les semences, les engrais et les pesticides. En fin de saison, c’est encore elle qui décide de la qualité de notre coton, et donc du prix d’achat, entre 200 et 250 F CFA (de 0,30 à 0,38 €) le kilo. C’est dérisoire. » Nikiembio Coulibaly confirme, la gorge serrée : « En fin de compte, on n’a rien, on travaille seulement pour se maintenir. Ce sont les cultures comme le maïs qui remboursent nos pertes. Tout est trop cher et le prix d’achat trop bas. C’est ça qui nous tue. »
 
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► 2 % des OGM sont cultivés en Afrique


180 millions d’hectares de plantes génétiquement modifiées ont été cultivés dans 28 pays en 2015, selon l’Isaaa, l’organisation internationale pour les agri-biotechnologies.

84 % des superficies étaient concentrées dans quatre pays du continent américain : États-Unis, Brésil, Argentine, Canada… et 2 % dans trois pays du continent africain : 2,3 millions d’hectares en Afrique du Sud, 350 000 au Burkina Faso (avant que le pays suspende les OGM) et 120 000 au Soudan.



Ludivine Laniepce, notre correspondante à Ouagadougou 
 
 
 

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