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mercredi 23 décembre 2015

Congélation des ovocytes : briser la glace

Congélation des ovocytes : briser la glace


Par  — 
A Taïwan, en 2013. Photo Pichi Chuang. Reuters

Les femmes sont de plus en plus nombreuses à vouloir retarder leur horloge biologique en mettant leurs gamètes au frais. Problème, la France bloque.

Retarder son horloge biologique, cette implacable teigne. Geler le temps, ou simplement le prendre, en vitrifiant ses ovocytes à - 196 C° dans l’azote liquide. Cela devient le souhait d’un nombre grandissant de Françaises. Du moins celles qui, bien informées, savent que l’on peut désormais mettre ses précieux gamètes au congélo pour les retrouver «bien frais» quelques années plus tard quand le désir d’enfant commence à devenir urgence. Du moins les plus nanties qui peuvent filer à l’étranger (essentiellement l’Espagne) pour s’offrir cette sorte d’assurance contre le temps qui passe.
Serait-ce là le dernier caprice d’une poignée de cadres sup ? La requête - marginale - de wonder women qui entendent autant maîtriser l’agenda de leur carrière que le calendrier de leur grossesse ? Ou, à l’inverse, une solution pragmatique et sensée à cette tendance lourde (inexorable ?) des femmes, mais aussi des hommes, à faire des enfants de plus en plus tard ? C’est ce que pensent de nombreux spécialistes de l’infertilité et le Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF), favorables à une médiatisation et à une démocratisation de cette technique encore peu connue pour l’instant. Et, pour l’heure, exclusivement réservée en France à celles qui subissent un traitement médical susceptible de les rendre infertiles. L’Hexagone, à ce jour, préfère planquer le débat sous le tapis. Comme le pays a déjà attendu 2011 (et la loi de bioéthique) pour autoriser le recours à la «vitrification», cette technique qui consiste à congeler de manière ultrarapide et sans cristaux de glace des cellules reproductrices féminines, là où la congélation lente n’était pas performante. Des années après le Japon, le Canada ou l’Allemagne. Pourquoi tant de réticences ? Si un récent décret visant à encourager le don d’ovocytes (lire Libération du 5 octobre) permettra aux donneuses de vitrifier une partie de leurs gamètes pour elles, on sait déjà qu’il avantagera surtout le don. Il y a vraiment pénurie. Mais pourquoi ne pas aller plus loin et autoriser tout simplement la vitrification à celles qui le souhaitent comme c’est déjà le cas aux Etats-Unis et plus près de nous, en Espagne, en Italie, en Belgique ou en Grande-Bretagne ? Pourquoi, au fond, «ne pas faire confiance aux femmes ?» tacle la gynécologue Joëlle Belaïsch-Allart (ex-membre du Comité consultatif national d’éthique, CCNE).

Y a-t-il une vraie demande ?

Certes, comme le souligne la sociologue et directrice de recherche au CNRS Dominique Mehl, on n’a pas encore vu des hordes de Françaises défiler dans les rues avec des pancartes «je veux vitrifier mes ovocytes», comme elles l’ont fait lorsqu’il s’est agi d’obtenir la pilule et l’avortement. Mais «cela fait en gros deux ans qu’émerge l’idée que cette technique pourrait profiter à toutes les femmes. Avec le raisonnement suivant : on a aidé les femmes à ne pas être fécondes quand elles étaient fertiles. Pourquoi ne pas les aider à être fécondes quand elles ne sont plus fertiles ?» analyse la sociologue. Dans les faits, même s’il n’existe aucune statistique fiable sur l’ampleur de ce désir, Cécile Gallo, la gynécologue-endocrinologue de la clinique espagnole IVI (à Valence) où se rend une partie des Françaises est formelle : «La demande devient exponentielle depuis deux ans. Nous en sommes à une cinquantaine par année. Et ça monte.» Même son de cloche du côté d’une autre clinique espagnole (à Barcelone) du groupe Eugin : «Nous faisons de la vitrification sociétale depuis 2011. En 2014 nous en avons pratiqué 230, dont 58 % sur des Françaises», annonce Valérie Vernaeve, directrice médicale.

Qui sont ces femmes ?

Faute d’autorisation sur notre territoire et a fortiori de remboursement par la Sécu, celles qui se rendent à l’étranger sont en général d’un bon niveau socio-économique. Pas étonnant quand, chez IVI par exemple, faire congeler ses ovocytes pour cinq ans (généralement de 10 à 15 par ponction) coûte 2 000 euros, sans compter les traitements préalables (entre 800 et 1 000 euros, incluant notamment les injections servant à stimuler la production d’ovocytes) et les frais de déplacement. Mais quel genre de femmes précisément ? Des femmes de 38-39 ans, «des célibataires pour la plupart, qui n’ont pas envie de faire un enfant avec le premier venu. Ou sont avec des partenaires qui n’ont pas de projet d’enfant», expose le DCécile Gallo. «"Lack of partner !" [manque de partenaire, ndlr] Oui toutes les femmes ne trouvent pas au bon âge l’homme de leur vie»,confirme Joëlle Belaïsch-Allart, en se fondant sur sa pratique et des études américaines de grande ampleur. Rien à voir avec des carriéristes pur sucre, donc ? Selon les spécialistes, ce n’est pas ce qui prime.«Je crois que dans cette histoire d’autoconservation de ses ovocytes, il faut vraiment bannir les mots "convenance" ou "caprice". La question de la conjugalité, des couples qui se font et se défont y est centrale. Et on sait très bien que les femmes sont à la merci d’une limite d’âge pour enfanter. Celles qui se lancent là-dedans ont réfléchi et ce n’est pas un parcours de Bisounours que de subir une stimulation et une ponction d’ovocytes», conclut Dominique Mehl.

Est-ce la panacée ?

A en croire Cécile Gallo, la technique est au point : ovocyte vitrifié et ovocyte frais sont à égalité face à une fécondation. Mais - et c’est un gros «mais» - comme dans la vie «normale», plus les ovocytes congelés sont «jeunes» (avant 35 ans), plus les chances de grossesse sont importantes (sans être pour autant garanties). «L’idéal serait donc de vitrifier ses ovocytes avant 35 ans», insiste le DGallo. «Oui, mais il faut encore que cette possibilité soit connue. Et ouverte à toutes. Il s’agit bien là, d’un acte de prévention médicale, de préservation de sa fertilité», explique le collectif Bamp, association de patients pris dans des parcours de procréation médicalement assistée ou infertiles. «Il faut informer, informer, renchérit Joëlle Belaïsch-Allart. La vitrification est un espoir, même si ce n’est pas la panacée universelle : ça ne marche pas à 100 %. L’allongement de la durée de la vie est un fait. Le désir tardif de maternité aussi. Il y a une question de liberté individuelle dans cette histoire d’autoconservation et aussi d’égalité entre femmes et hommes. Alors, oui il faut l’autoriser, sans pour autant l’encourager, en invitant les femmes à ne pas trop tarder.»

Qu’est-ce que la France attend ?

C’est un fait, la Sécurité sociale ne peut pas tout rembourser, même si elle rembourse bien quatre tentatives de fécondation in vitro avant 43 ans. «Dans l’idéal, il me semble que la France pourrait rembourser cette pratique à celles qui ne peuvent pas payer en nommant, par exemple, un comité d’experts. Quant aux autres, elles pourraient en prendre en charge le coût, ce qui, in fine, leur reviendrait moins cher que d’aller en Espagne ou ailleurs», suggère Joëlle Belaïsch-Allart. «On a affaire à un problème social irréversible sur cette question de concevoir, assure Dominique Mehl. Les maternités tardives en passent souvent par un don d’ovocytes. Et cette question d’autoconservation va devenir une question de société. Pourquoi ne pas s’en saisir ?»

Murielle, 29 ans

«C’est ce qui est arrivé à l’une de mes amies qui m’a décidée à faire vitrifier mes ovocytes. A 39 ans, elle n’arrivait pas à avoir un enfant, et son gynéco lui a dit en substance : "C’est trop tard, à moins de recourir à un don d’ovocytes." J’avais 37 ans, du coup j’ai fait un bilan de fertilité qui n’était pas très bon. Mon médecin m’a dit : si vous voulez un enfant, c’est maintenant ou jamais. A l’époque, je venais de me séparer de l’homme avec lequel je vivais depuis trois ans. Et je n’avais pas envie de prendre le premier venu pour tomber enceinte. La solution de la vitrification s’est alors imposée. Je suis allée à la clinique IVI de Valence. En octobre, malgré le traitement de stimulation, seul quatre de mes ovocytes ont pu être congelés. J’ai réitéré une fois sans succès. La troisième tentative a été la bonne : j’ai une réserve de 18. Ça me rassure. Je me dis que j’ai mis toutes les chances de mon côté. Même si je préférerais bien sûr tomber sur le bon partenaire et ne pas avoir à m’en servir. Comme la plupart des femmes qui font ça. En France, dès qu’on parle de vitrification, on place le débat sur un plan moral ou alors on monte en épingle l’histoire de Facebook et Google qui ont proposé de payer à leurs salariées une vitrification. Mais quel rapport avec la France ? Les femmes qui, comme moi, ont recours à ça, ne sont pas des carriéristes, elles veulent juste pouvoir se donner une chance de faire un enfant avec la bonne personne. Et si la France ne veut pas rembourser cette pratique, elle pourrait au moins l’autoriser.»

Emilie, 30 ans

«Au départ, je voulais absolument donner mes ovocytes. Ma tante n’a pas réussi à avoir d’enfant, je suis sensible aux problèmes de fertilité. Quand j’ai appris que, grâce à un récent décret, la vitrification après un don pouvait être proposée, je me suis dit que je devrais aussi et surtout faire vitrifier mes ovocytes. Mais lors des examens préalables pour faire ce don, il s’est avéré que j’ai sans doute une réserve d’ovocytes assez faible. Ça m’a mis un coup. Je n’ai pas les moyens d’aller en Espagne comme certaines. Je dois me contenter de la France, où il faut vraiment aller à la pêche aux informations et où j’espère malgré tout pouvoir donner assez d’ovocytes pour que je puisse en conserver une partie pour moi. J’attends de savoir. Mais j’ai vraiment envie de dire aux femmes : "Prenez les rênes." Renseignez-vous. Et militez pour avoir la possibilité de faire ce que vous voulez avec votre corps.»
Catherine Mallaval

Source : http://www.liberation.fr/futurs/2015/12/17/congelation-des-ovocytes-briser-la-glace_1421544?xtor=EPR-450206&utm_source=newsletter&utm_medium=email&utm_campaign=quot

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