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jeudi 29 mars 2012

Et si c’était lui, sans blague ? (Mélenchon le Messie)

Et si c’était lui, sans blague ? (Mélenchon le Messie)

Bon, inutile de m’abreuver d’insultes. Ce sera encore sur lui. Mais je jure solennellement que c’est pour la bonne cause. Tant de gens estimables s’apprêtent à voter Mélenchon que je ne peux me désintéresser d’un homme qui clame à tous les vents que sa « planification écologique » annonce une vraie révolution. Et si c’était vrai ? Je plaisante, sérieusement je plaisante. En tout cas, j’entends consacrer, sans trop d’invectives (ce sera dur), plusieurs articles de suite au chef du Front de gauche. Ce premier se termine sur une question. Si vous êtes saoulé par mes critiques, vous pouvez aller y jeter un regard tout de suite. Et sinon, bienvenue pour une nouvelle virée.
Outre ce papier, j’essaierai de détailler ce que je pense de la « planification écologique », ce que je pense du smic à 1700 euros, ce que je pense d’Hervé Kempf adoubant Mélenchon dans Le Monde. Si je compte bien, cela ferait quatre articles en tout. Je vous en préviens, il n’est pas sûr que je les écrive, car j’ai une vie, faut pas croire.
Pour commencer, je dois reconnaître cette évidence : il plaît. À gauche et visiblement dans une part croissante de l’opinion écologiste. Du coup, c’est intéressant, car je n’oublie pas, malgré certaine apparence, que Planète sans visa, qui entend rendre compte à sa place de l’extraordinaire crise écologique en cours, souhaite ardemment qu’émergent des perspectives. Mais qu’est donc la crise écologique ? Une simple continuation de l’éternelle crise du capitalisme décrite par tant d’auteurs de gauche ? Depuis Marx, depuis même Fourier à son hallucinante manière, depuis Blanqui et ses rêveries guerilleristas, la gauche théorique et parfois pratique ne cesse d’annoncer la crise finale du capital.
Je crois pouvoir dire que cela n’a pas marché. Quand les bolcheviques ont eu pris le pouvoir dans ce qui allait devenir l’Union soviétique, ils imaginèrent certes une société nouvelle, mais c’est parce qu’elle était totalitaire. Pour le reste, ils ne firent qu’adapter pour le malheur commun des méthodes industrielles utilisées auparavant en Occident. En plaquant le tout sur cette stratification sociale qui donnait tout le pouvoir à une classe naissante de bureaucrates. Quand je dis « adapter », je veux dire qu’ils prirent le pire - la puissance des machines -, sans nullement s’intéresser aux rares contrepouvoirs ayant permis aux prolétaires de chez nous de seulement survivre. Je veux parler des syndicats, des Bourses, des mutuelles, in fine des partis ouvriers.
Il n’est qu’une matrice à toutes les formes sociales apparues depuis deux siècles, et cette matrice est biface. Sur le plan de l’économie, il s’agit de la machine et de l’organisation rationalisée de la production. Cela donne, jusqu’à la nausée, cette apparence de profusion matérielle, qui n’est jamais qu’appauvrissement continuel. Et sur le plan culturel, au sens anthropologique, une foi démentielle et complète dans l’idée d’un progrès linéaire, menant d’un point A à un point B, forcément plus haut et plus beau. Je me répète, car je veux être compris : une alliance entre une production de biens de plus en plus colossale et une croyance dans l’idée que tout cela mène au mieux.
Ce qu’on a coutume d’appeler la droite, ce qu’il faut appeler les gauches, qui incluent celles qui se disent révolutionnaires, se disputent depuis 1790. Mais sur quoi ? Est-ce à propos du fond, que j’appellerai révolution machinique ? À l’évidence, non. Le mouvement ouvrier quand il était vivant - avant donc son atroce assassinat par le stalinisme -, les divers courants socialistes ou communistes ensuite, n’ont jamais prétendu s’attaquer au principe de la société industrielle. Tous, bien qu’à des degrés divers, ont toujours contesté aux droites - elles ont droit, elles aussi, au pluriel - le mode de répartition des richesses produites. En affirmant qu’elles feraient bien mieux une fois parvenues au pouvoir. Qu’elles distribueraient et répartiraient mieux les richesses produites, qu’il fallait pourtant continuer à augmenter sans fin prévisible. Je le rappelle : l’horizon du communisme, pour ne prendre que ce seul exemple, c’est l’abondance universelle. Le vieux Marx résumait ainsi le jeu dans sa Critique du programme de Gotha, livre paru en 1875 : « Jeder nach seinen Fähigkeiten, jedem nach seinen Bedürfnissen ! ». Ce qui veut dire imprudemment : « De chacun selon ses capacités à chacun selon ses besoins ».
Vous pensez bien que je n’ai rien contre la satisfaction des besoins de chacun. Seulement, qu’est-ce que le besoin ? Jusqu’à quels excès démesurés ne risque-t-il pas de conduire ? Dans la société de Marx, la perspective était alléchante. Nul ne voyait la limite, les limites. La crise écologique n’existait pas. Les plus cultivés pensaient avec une touchante naïveté que jamais les mers ne pourraient se dépeupler, tant les poissons étaient nombreux. Alexandre Dumas, dans son somptueux Grand dictionnaire de cuisine (1873, deux ans avant le texte de Marx) écrivait : « On a calculé que si aucun accident ne perturbait la ponte des œufs, et si chaque œuf atteignait sa maturité, cela ne prendrait que trois ans pour remplir la mer à tel point qu’on pourrait traverser l’Atlantique à pied sec sur le dos des morues ».
À gauche, vu des gauches, le programme était alors simple. On utiliserait la science et la technique pour augmenter la puissance commune, guérir les maladies et peut-être la condition humaine, rendre heureux l’humanité par la possession de biens jusqu’ici réservés aux bourgeois. Le rêve a perduré, intact, jusqu’aux immondes tranchées de 1915-1918, avant de se transformer, sans jamais disparaître. Question sans malice : Jean-Luc Mélenchon est-il, oui ou non, l’héritier de cette culture politique-là ? Comme il le crie à chaque intervention ou presque, je vois qu’il n’y a pas de doute : c’est oui.
Mélenchon est héritier en ligne directe de la social-démocratie, à laquelle il a adhéré, excusez du peu, trente-et-un ans. Et par choix et proximité, également du stalinisme, que tant de gens de bonne comme de mauvaise foi, ont intérêt à faire disparaître dans un éclair de magnésium. Non, le stalinisme n’est pas mort. Madame Buffet est entrée au parti communiste en 1969, quand Brejnev régnait sur l’Union Soviétique et les îles de son archipel concentrationnaire. Elle avalisa, jusqu’à la fin du système, d’infâmes événements, comme par exemple la normalisation en Tchécoslovaquie, les tueries de Gdansk et Gdynia et les bouffées délirantes antisémites du Poup, les bouffonneries de Ceaucescu, l’invasion de l’Afghanistan, etc. Et dans cet et cætera, il faut imaginer le reste. Tous ces peuples réveillés à l’heure du laitier par les flics de la dictature. Et remarquez que je ne parle pas de ce que les staliniens ont infligé à la nature. C’est impossible à mesurer.
Je sais que cela emmerde les mélenchonistes, mais les faits ne sont-ils pas têtus ? Leur héros se réclame de Mitterrand, un homme de droite pour qui le pouvoir était le principal euphorisant, et qui ouvrit la voie triomphale à la finance-reine. De Mitterrand et de Marchais, une canaille stalinienne qui insultait « l’anarchiste allemand » Cohn-Bendit dans un court éditorial de son torchon appelé pourtant L’Humanité,  le 3 mai 1968. Et qui, le 11 janvier 1980, applaudissait à l’entrée de l’Armée rouge à Kaboul, dans la nuit du 24 au 25 décembre 1979 (regarder la vidéo ici). J’ajoute que Mélenchon soutient aujourd’hui, de différentes manières il est vrai, la Chine, Cuba et ce merveilleux Venezuela où le non moins merveilleux Chávez applique le merveilleux triptyque : « El jefe, el ejército, el pueblo ». Ce qui veut dire : « Le chef, l’armée, le peuple », vision cauchemardesque, caudilliste et verticaliste du fameux et pseudo socialisme bolivarien
Vous me direz que vous connaissez ma chanson, et c’est sans doute vrai. Mais je veux y ajouter un couplet inédit. Sous la forme d’une série de propositions. D’abord et selon vous, est-il évident que la crise écologique, parce qu’elle est planétaire et qu’elle s’attaque au fondement de la vie, est sans aucun précédent connu ? Pour moi, c’est une évidence. Quelle qu’en soit la raison, il est flagrant qu’une menace globale, effroyable, pèse sur les équilibres écosystémiques les plus élémentaires. Mais vous ? Deuxième proposition : cette menace est-elle - ou non - liée à la manière dont les humains, y compris dans le défunt paradis des travailleurs que fut l’Union soviétique, ont conçu la production et la consommation de biens matériels ? Troisième proposition : Jean-Luc Mélenchon incarne-t-il - ou non - ces traditions de gauche qui n’ont jamais contesté la nécessité de produire et consommer toujours plus ?
Si vous répondez oui à tout, ce que je vous souhaite, il faudra m’expliquer comment vous sortirez de ce guêpier.  Car Mélenchon se noie lui-même dans les promesses de production et de consommation matérielles. Est-il réaliste, est-il sensé d’espérer de quiconque être à la fois le problème (pour une petite part) et l’éventuelle solution ? Je note, tout comme vous, que Mélenchon ne s’attaque absolument pas à l’histoire des idées qui ont conduit au désastre, car sa campagne repose à 80 % sur ce qui reste de l’appareil communiste. Le voudrait-il qu’il ne le pourrait pas. Mais il ne le veut pas, car sa langue maternelle est celle du productivisme et de la croissance sans but ni frein. Lorsqu’il parle écologiste, ne voyez-vous pas qu’il le fait comme Mitterrand parlait socialiste et même marxiste quand il le fallait ?
En 1979, quand les chars soviétiques se préparaient à l’invasion de l’Afghanistan, le congrès du parti socialiste se tenait à Metz. Mitterrand, qui entendait flinguer toute velléité de la part de Rocard, entré en 1974 seulement au parti socialiste, y avait envoyé en première ligne un chevau-léger du nom de Laurent Fabius. Lequel, déjà sans nul doute social-libéral, avait déclaré du haut de la tribune, pour son suzerain : « Camarades, entre le Plan et le marché, il y a le socialisme ».  Ne riez pas, c’était censé laminer les rocardiens.
Ce cas de molletisme chimiquement pur traverse toutes les aventures politiciennes de Mitterrand, grand héros de Jean-Luc Mélenchon. Et je gage que ce dernier aura retenu la leçon. Dans le rôle de sa vie qu’est devenue la campagne électorale, qu’aurait-il à perdre, dites-moi ? Je ne l’accuse même pas de malhonnêteté. Je crois qu’à ce stade, il faut parler de dédoublement et de vapeurs nées de trop hautes altitudes. Disons qu’il y croit. Mais où seraient sa culture et son engagement réels, qui garantiraient au moins en partie l’avenir ? Nulle part, bien entendu. Sur la crise écologique, au-delà de quelques slogans, il est aussi ignare que le reste de la classe politique. Ses quarante ans de politique active parlent pour lui.
Question : qui lui souffle, d’après vous, les paragraphes sur l’écologie que l’on trouve ici ou là ? Comme un Sarkozy, ânonnant sans rien y comprendre un Discours de Dakar écrit par Henri Guaino, Mélenchon répète des phrases qui ne sont pas les siennes. Demain est un autre jour, et les cocus d’aujourd’hui, cocufiés d’hier et réclamant de l’être encore, découvriront, mais un peu tard, ce qu’est une tirade politicienne. Ce qu’est un programme politicien. À en croire les illusionnistes de service,  un homme qui a passé sa vie à tambouiller la politique dans ce qu’elle a de plus vil - la prise du pouvoir, à Besançon, à Massy, dans l’Essonne, au PS -, avec de tout petits groupes d’apparatchiks, pourrait donc représenter l’espoir d’un peuple. Je n’ai pas très envie de me marrer, même si le spectacle a des aspects follement hilarants. Mélenchon, ou comment sauver le monde avec trois moulinets et un drapeau rouge.

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