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jeudi 29 mars 2012

Adresse à ceux qui croient si fort (en Mélenchon)

Adresse à ceux qui croient si fort (en Mélenchon)

Nul ne sortira de là. Les hommes préfèrent croire que comprendre. C’est une loi sociale, si impérieuse qu’elle s’impose à tous. Et à moi aussi, cela va de soi. C’est pourquoi j’arrêterai ici mes diatribes contre Jean-Luc Mélenchon, personnage à qui je pensais consacrer encore deux articles au moins. C’est sans doute absurde. C’était absurde dès le départ, mais on fait beaucoup de choses absurdes. Pas vous ?
Mélenchon est un illusionniste de la politique, il est le joueur de flûte de Hamelin, Der Rattenfänger von Hameln, qui conduit son monde vers le grand néant. Seulement, il ne faut pas le dire. Pour éviter un surcroît de malentendus, je me propose de préciser quelques points qui plairont, je l’espère, à certains de mes critiques.
En défense de Mélenchon
1/ Mélenchon  fait, de loin, la meilleure campagne de cette élection présidentielle.
2/ Il est sincère, aussi sincère qu’un politicien bourré d’adrénaline par des salles archicombles, aussi sincère que l’était Mitterrand annonçant qu’il voulait rompre avec le capitalisme, aussi sincère que Marchais exigeant de Jean-Pierre Elkabbach qu’il la ferme.
3/ Je ne conteste pas qu’il a appris à parler « écologiste ». Je ne conteste pas davantage qu’il parle, avec d’autres mots aussi bien choisis, aux socialistes déçus du socialisme; aux communistes en perdition depuis quinze ans; aux chevénementistes déboussolés; probablement à bien d’autres encore. Tel est le propre du médium. Il exprime ce qui serait inexprimable sans lui. Il transmute une matière inerte en masse vivante et colorée. Mélenchon est un médium.
4/ On peut être écologiste et vouloir ardemment le renversement de l’ordre des choses. C’est un peu ridicule de le rappeler, mais j’ai écrit sur Planète sans visa des dizaines d’articles qui montrent ce que je pense des sociétés de classe. Et Dieu sait que la nôtre l’est. Je suis pour la subversion complète de la forme sociale et politique qui règne sur le Nord, et partant, sur le monde. Et je le suis depuis toujours, y compris quand Mélenchon était secrétaire d’État de son cher Lionel Jospin il y a dix ans, à l’époque où la gauche au pouvoir privatisait davantage que notre Balladur national, et se foutait si royalement du sort des pauvres et des ouvriers. J’ajoute sans aucun risque de me tromper que jamais un Mélenchon ne rêvera des changements auxquels je pense. Mais cela est sans doute de trop, car je ne peux évidemment rien prouver.
5/ Je suis à jamais du côté des pauvres, des opprimés, et du coup, des ouvriers. Ne me croyez pas plus insensible que je ne suis. Mon vieux à moi, avant qu’il ne meure quand j’étais gosse, était un ouvrier parisien qui travaillait 60 heures par semaine, six jours sur sept,  dix heures par jour donc. Il était communiste, ce qui voulait dire stalinien. Mais c’était surtout un être unique, car bon. Je sais par lui, depuis mes huit ans, que la vie est compliquée, entortillée, contradictoire.
6/ J’ai été en conséquence heureux, moi, d’entendre Mélenchon parler aux ouvriers comme on ne l’avait pas fait depuis tant de lustres dans ce pays pourtant bâti par eux. Parler de « fierté de classe » aux prolos si constamment méprisés est une bonne action, et pour cela, il sera beaucoup pardonné à Mélenchon. Enfin, un peu.
7/ Comme je ne suis pas sourd, j’ai aussi entendu parler de « planification écologique ». Ah quelle jolie expression ! Un peu de pédanterie détendra l’atmosphère : elle est polysémique. Ce qui veut dire, pour être très poli, qu’elle a d’évidence plusieurs sens. Si l’on veut être aussi mal élevé que je le suis, on écrira qu’elle est en soi un joli foutoir. Le mot planification fera en effet plaisir au public des anciens communistes si longtemps amoureux de l’industrie lourde stalinienne. Et chantera la mélopée à ceux des électeurs écolos qui sont tentés par le vote Mélenchon.
Comment décortiquer deux programmes qui n’en font qu’un
Et c’est là que tout commence. Je suis allé consulter, et nous ne sommes certainement pas nombreux à l’avoir fait, les si fameux programmes. D’abord, et c’est tout de même fondamental, chers amis mélenchonistes, le Front est un Front. Le Parti de Gauche de Mélenchon est un groupuscule en face des restes conséquents du parti communiste, qui revendique 130 000 adhérents et des milliers d’élus locaux, parfois nationaux. Cet Apparat pèse bon poids. Du coup, et je me répète, deux programmes.
A/ Le programme du Front de Gauche - ne serait-pas aussi celui de Mélenchon ? -  est partagé entre le parti communiste et le parti de gauche. C’est un texte aussi roué que des milliers d’autres rédigés au fil des décennies par les bureaucrates du parti de Thorez, Duclos et Marchais. Vous pouvez le télécharger (ici). La fameuse « planification écologique » y commence page 18 et s’y termine page 21. Au moins, on aura le temps de regarder TF1. Je cite in extenso, ci-après, les mesures que prendrait immédiatement un gouvernement Front de Gauche :
– Moratoire sur toutes les politiques de déréglementation de l’énergie, abrogation de la loi NOME
– Mise en place d’un plan de transition écologique réintroduisant la maîtrise publique de l’énergie et promouvant des investissements publics conditionnés à des critères écologiques, sociaux et démocratiques
– Mise en place d’un plan de financement pour la sobriété et l’efficacité énergétiques et pour la diversification des sources d’énergie.
Fin de la citation. Le doute n’est plus autorisé : c’est la révolution. Tremblez, ennemis de la vie ! Sans rire, cela ne fait pas rigoler. Le reste est de la même eau, certifiée potable par Veolia, grand ami des municipalités communistes. Les belles expressions vides fleurissent : contrôle citoyen, nouvelle politique des transports, contre la marchandisation des biens communs, blablabla. On jurerait du Chirac dans le texte, quand il proclamait du haut des tribunes : « Notre maison brûle et nous regardons ailleurs ».  Alors - en 2002 -, comme il était agréable à la gauche qui soutient aujourd’hui Mélenchon de dauber le pauvre Chirac ! Eh bien, il n’y avait pas de quoi. Le plus étrange est que rien n’aurait empêché ces gens d’en faire des tonnes. Un programme est si vite oublié, pas ? Mais leur inculture écologique et leur indifférence à la nature sont telles que même sur ce bout de papier, il fallait donc ne rien dire.
Encore un petit mot sur ce beau programme. Surtout ne pas parler d’agriculture biologique ! Pardi ! Le texte évoque tantôt une « agriculture paysanne », tantôt une « agriculture responsable ». Bio ? Horresco referens !
2/Le programme du Parti de Gauche, le groupe de Mélenchon, a lui toutes les libertés. Il peut écrire exactement ce qu’il pense. Et que dit-il de cette si fameuse « transition écologique » ? Je vous invite à vous faire votre propre opinion (ici). À ma grande surprise, et je proclame ici être sérieux, il n’existe apparemment que cette ébauche, élaborée en septembre 2010 et laissée depuis en déshérence. Ce n’est pas très rassurant, non. En tout cas, j’ai lu ce qui ne sont que des propositions susceptibles d’être modifiées je ne sais trop comment. Elles sont formulées sous la forme de fiches. Nous sommes dans à la galerie J’Farfouille, dans une somptueuse fête à Neu-Neu où tout le monde repartira avec un lot sous le bras.
J’ai compté 51 fiches, sans aucune cohérence ni hiérarchie. On ne sait pas ce que le parti pense de l’état écologique détaillé de la planète, des responsabilités du Nord, de l’effondrement accéléré des écosystèmes. On ne sait pas. En revanche, des déclarations d’intention par dizaines, dont certaines sont fatalement sympathiques. On va ainsi « mettre en place un débat écologique national ». Certes - je ne compte pas me refaire -, on a le droit de ricaner de l’adjectif national accolé à celui d’écologie. Mais enfin, voyons tout de même de plus près. Cette proposition 127 est une distrayante bouffonnerie dont j’extrais ceci : « Pour l’eau, un tel système de planification existe déjà depuis 1992. En revanche les citoyens sont exclus des décisions dans les autres domaines liés à la planification écologique : ils ne participent pas à l’élaboration des plans départementaux d’élimination des déchets ni aux choix stratégiques de l’Etat en matière d’énergie, de transport, de logements quand d’autres domaines ne font l’objet d’aucune planification (biodiversité, agriculture…) ». Logique et imparable : on va organiser un débat.
Suis-je injuste ? Vous jugerez, après tout. Moi, j’estime être bien en-deçà de la réalité. Je me contenterai d’un point, qui est une clé : le dérèglement climatique. Je rappelle que toutes les civilisations dont nous sommes issus - L’Égypte ancienne, la Phénicie, la Grèce, Rome, la Chine paysanne, les royaumes africains, l’Empire inca, celui des Aztèques, etc. - n’ont pu prospérer que par la grâce d’un climat stable. Relativement, mais certainement stable. Or, il est sur le point de basculer, ce qui pose bien davantage de problèmes angoissants que je ne suis capable d’en imaginer.
On pourrait croire que, sous le fier étendard d’un Parti de Gauche libre de sa parole, écologiste de combat, cette question dominerait toutes les autres, notamment dans le centre de cette si prestigieuse « planification écologique ». Eh bien, macache bono, nib. On trouve bien mention de vagues intentions, mais dans une formulation résolument baroque, avec une palme et un accessit pour la fiche 108, dont le titre est à lui seul un vaste programme : « Développer les énergies renouvelables et sortir des énergies fossiles ». On s’attend à un festival de proclamations, au lieu de quoi on lit : « On peut en revanche faire bien plus [ au sujet des énergies renouvelables ] à échéance 2030 puis 2050 (sans atteindre cependant 100% avant de nombreuses décennies) sans miser sur des technologies incertaines ni ruiner l’économie ».
C’est très clair : il ne faut surtout pas ruiner l’économie. Ni affoler le peuple de gauche à propos du dérèglement climatique en cours. Dans cette fiche à propos de la sortie des énergies fossiles, pas un mot, je dis bien PAS UN MOT, sur le climat. Faut oser. Je laisse tout le reste à votre appréciation, ne doutant pas que des mélenchonistes méritants viendront dire ici combien je suis de mauvaise foi, combien je ne sais pas lire la prose de leur Grand Méritant de Chef. Bah ! j’assume. Et j’en rajoute aussitôt. Une fiche parle de moratoire immédiat sur les biocarburants, mais sans évoquer le drame planétaire qu’ils provoquent dès aujourd’hui. Et parie - pauvres fous - sur les biocarburants de deuxième génération. Mais une autre fiche écrit ceci, qui est infâme : « Moratoire sur le développement des agrocarburants tant que leur bilan environnemental, social et économique global n’est pas convaincant ». Par Dieu, changer une plante en carburant serait donc envisageable dans un monde qui compte un milliard d’affamés ? Et ce serait aux experts que l’on sait de trancher au sujet de leur bilan, lequel est déjà totalement documenté ? Pouah ! Le programme du Front de Gauche, évoqué supra, préfère ne pas aborder le sujet. Noblesse oblige.
Enfin, pas un mot sur les animaux dans le programme du Front de Gauche. Chez nos humanistes déchaînés, l’homme est tout, et l’animal n’est pas même nommé. Le programme du Parti de Gauche fait à peine mieux. Deux ou trois mots (fiches 110 et 115) paraissent avoir été jetés au dernier moment sur des propositions on ne peut plus générales sur l’agriculture. Bien sûr, des êtres comme l’ours, le loup, le lynx, le blaireau pourchassé par les cons, le vautour fauve « effarouché » par les cons, ne sont pas évoqués. Ces grands écologistes ne savent pas qu’il existe d’autres habitants qu’eux-mêmes sur Terre.
Un interminable commentaire général
Je dois ajouter un commentaire général. C’est long, je le vois bien, mais je vous rappelle que j’ai promis de NE PAS ÉCRIRE d’autres articles pourtant prévus. Laissez-moi donc finir. L’absence grotesque et un tantinet criminelle de toute réflexion sur la crise climatique chez les mélenchonistes les discrédite totalement comme écologistes. Peu me chaut que, du haut des tribunes, El Jefe Adoré se laisse aller à des parlotes sur la « règle verte » ou je ne sais quelle autre niaiserie. Ayant trouvé le moyen de parler et d’être entendu par une partie importante du peuple français, Mélenchon a donc choisi la voie du silence. Sur l’essentiel, il préfère se taire, et faire croire que la situation actuelle pourrait se maintenir. C’est ainsi qu’il sera jugé. Sauf qu’il ne sera jamais jugé par quiconque.
Pas de mobilisation nationale autour de la crise climatique - pourtant, quelle belle leçon universelle ce serait, façon 1789, façon 1871 - mais plutôt la reprise de couplets patriotiques et productivistes. Je sais bien que je hérisse le poil en écrivant ces mots, mais qu’importe ? Patriotique ? Mélenchon ne voit le monde que depuis Paris-sur-Seine, qui ne s’en rend compte ? Qui n’entend ses hymnes continuels à la Nation et à son génie singulier ? Je connais par cœur, ad nauseam, ces socialistes toujours prêts à défendre la patrie et à envoyer un « salut fraternel » à la police nationale, comme le fit Mélenchon après les crimes de Mohamed Merah (ici). Quant au mot productiviste, il sent encore davantage le soufre.
Pour la clarté de mon propos, je me contenterai de la formule phare de Mélenchon, soit l’augmentation du smic à hauteur de 1700 euros bruts mensuels, sur la base de 35 heures. Est-ce du productivisme ? Ben oui. Mais avant de hurler, accordez-moi une minute authentique. Je sais qu’il y a des pauvres en France, et j’ai des raisons personnelles de le savoir. Épargnez-moi tout propos sur mon égoïsme et mon indifférence au sort des plus malheureux d’entre nous, car il s’agit de tout autre chose. Pour ce qui me concerne personnellement, je me souviens de discussions enragées lorsque j’avais seize ans, vers 1971. Je luttais alors pour la révolution sociale, et je disais avec virulence que j’étais pour une sorte d’égalité générale des salaires. J’ajoutais que les petits connards - oui, il m’arrivait de parler ainsi - qui étudiaient jusqu’à 25 ans et plus, exigeant pour cette raison des salaires incomparablement supérieurs à ceux des prolos entrés à l’usine à 14 ans, étaient en plus des petits salauds. Car étudier si tardivement était à l’évidence, disais-je alors, un considérable privilège. Qui ne saurait être augmenté de nouveaux privilèges.
Bref, je pensais qu’une égalité générale des salaires se justifiait. Le drôle, c’est que je pense encore la même chose, quarante ans plus tard. Je ne vois pas pourquoi tant de petites et grandes fripouilles gagnent tant et plus, tout en vivant des années plus vieux que « ceux qui soufflent vides les bouteilles que d’autres boiront pleines ». À ma manière, je suis un archaïque. Mais pour en revenir à notre Idole Suprême, je maintiens que la revendication d’un smic à 1700 euros bruts par mois est productiviste.
Et ce smic à 1700 euros ?
1/ Une augmentation sensible du smic se répercuterait de salaire en salaire supérieur jusqu’à un niveau que j’ignore, mais probablement élevé. Ceux qui gagnent 1700 euros en réclameraient 2000, ceux qui touchent 2000 voudraient 2300, etc. J’espère que nous sommes au moins d’accord là-dessus. Un tel mouvement ascendant dans le pouvoir d’achat des Français aurait inévitablement des effets, et parmi eux, j’en retiens deux. Davantage d’objets devraient être produits. Et d’un. Davantage d’objets devraient être consommés. Et de deux. Comme est organisée la société française d’aujourd’hui, avec ses publicités omniprésentes, sa télé répugnante à la botte de la marchandise, ses hypermarchés à tous les coins de rue, il ne fait aucun doute qu’une partie importante des objets nouvellement produits et consommés seraient de pures merdes. Venues des centres d’esclavage chinois, sous la forme d’écrans plats et de téléphones portables, notamment. J’appelle cela une poussée supplémentaire de productivisme.
2/ Contestez cette évidence si cela vous chante, je poursuis. La crise écologique est d’autant plus pénible pour les traditions de gauche qu’elle dynamite toutes les mythologies. Par exemple, et je sais bien ce que j’écris, un pauvre de chez nous est un riche du monde. Tournicotez cela dans votre tête cent fois, cela n’y fera rien, car c’est vrai. Les gueux du monde réel, qui se comptent par milliards (sur)vivent avec au plus deux euros par jour, soit 60 par mois. Il ne s’agit évidemment pas de culpabiliser quiconque - je mange bio et bois mon content -, mais de dire une vérité élémentaire, et de rebâtir un discours politique et moral enfin cohérent, et réellement mobilisateur.
Oui, partons des faits, tels que reconnus par Sa Seigneurie Ineffable elle-même, Jean-Luc Mélenchon. Il n’y a pas trois planètes disponibles, ce qui serait pourtant nécessaire pour aligner le niveau matériel de vie des 7 milliards d’humains sur le nôtre. Ni cinq, si l’on prenait en compte non notre gabegie nationale, mais celle des États-Unis d’Amérique. Autrement expliqué, le projet universel d’égalité entre les êtres humains doit condamner avec une extrême fermeté toute mesure qui vise à accroître, si peu que ce soit, la distance abyssale qui sépare le Nord du Sud. Je me dois d’insister : la gauche, et Mélenchon le patriotard ne fait pas exception, a totalement renié l’universalisme dont elle se réclame pourtant. L’universalisme consiste en la circonstance à démontrer qu’un homme vaut un homme. Et que nous, ceux du Nord, vivons d’une manière qui interdit de seulement approcher ce rêve proprement révolutionnaire.
3/Je radote, non dans l’espoir de convaincre ceux qui croient en Mélenchon, mais pour avoir la conscience tranquille : il faut évidemment changer le sort des pauvres de notre monde. Mais non en leur vantant l’augmentation d’un gaspillage de ressources matérielles qui sera toujours plus criminel à mesure que la crise écologique s’aggravera. Et elle ne cesse de s’aggraver. Il faut oser dire la vérité à tous et à chacun : c’est fini. The Game is Over. L’avenir, s’il existe, passe par la garantie pour tous d’un toit, d’un droit à la santé et d’une nourriture saine, laquelle commande une lutte à mort contre l’industrie. Tout le reste doit revenir aux communautés, sous la forme d’une mutualisation de services aussi gratuits que possible. Ce qui signifie stopper au plus vite, par tous les moyens humains disponibles, l’immense machine de destruction de la vie que ne remet nullement en cause Mélenchon.
Il faut enfin affirmer que l’aliénation de masse par les objets inutiles précipite le désastre commun. À bas la bagnole individuelle ! À bas la télé ! À bas le téléphone portable ! La liste a un début, mais elle n’a pas de fin. La critique sociale, dans son ingénuité, a oublié de dire que les objets façonnent l’esprit, qu’ils le transforment.  Si l’individualisme atteint des sommets qui n’ont peut-être jamais été atteints, c’est parce que l’industrie nous a transformés par stratagème en unités de base de l’hyperconsommation.
Il ne s’agit pas de répandre le malheur chez les consommateurs de masse qui font tourner la roue. Il s’agit d’augmenter sans limite concevable les relations vraies entre personnes. Le soin donné aux nourrissons et aux vieillards. L’amour et l’amitié. La gratuité. La solidarité. Il s’agit de préférer la lenteur. D’admirer sans posséder. De redécouvrir ce qu’est la beauté d’un songe, d’une plante, d’un regard, d’une perspective. De rechercher en tous événements l’harmonie, ce que les Indiens navajos, certes de sinistres sauvages, appellent hozro. De construire, seul ou avec d’autres, maisons et refuges. D’apprendre à mourir dans son lit. D’exiger d’être enterré dans un lieu qu’on aime, comme ce cher vieil Ed Abbey, loin de la morosité des cimetières. De vivre, quoi, vous m’avez compris.
4/À tous ceux qui pensent que, oui mais merde, Mélenchon dit tout de même des choses nouvelles, comme Thibault ici, dans un commentaire précédent, ou mon ami Hervé Kempf dans un récent article publié dans Le Monde,  je leur dis qu’il se trompent. Vous vous trompez, gravement, et vous contribuez à obscurcir l’horizon. Car tout cela est du déjà vu. D’abord, je vous rappelle qu’une autre vague écologiste a balayé l’Occident et la France voici quarante ans. Dumont, Gorz, Illich, Le Sauvage, La Gueule Ouverte, le Larzac, le mouvement antinucléaire : regardez donc dans le rétroviseur.
Comme l’écrivait au reste Hervé Kempf à propos des quarante ans du rapport Meadows (Halte à la croissance ?), le diagnostic a été posé en clarté. Vingt ans plus tard, au moment du Sommet de la terre de Rio (1992), tout a été répété. À cette époque, un Laurent Fabius misait - mais oui, mais oui ! - sur l’écologie et ne jurait que par Lester Brown avant que de trucider une fois au gouvernement - en 1999 - la frileuse écotaxe pourtant prévue par la gauche de messieurs Jospin et… Mélenchon. Le cirque de ce dernier n’est donc qu’un exercice de plus dans l’infernale liste des gesticulations politiciennes dans ce domaine.
J’ajouterai qu’en quarante ans, la situation du monde s’est tant aggravée que nous n’avons plus le droit de suivre une fois encore des mirages. Avec un peu de chance, Mélenchon se représentera en 2017 - pourquoi pas en 2022 : il n’aura que 70 ans, après tout -, et sans que rien n’ait bougé d’un millimètre d’un côté, nous serons encore bien plus près du gouffre de l’autre. Il se trouve qu’à la différence de bien d’autres, je crois au risque d’effondrement d’écosystèmes entiers sur une planète où la surface réellement habitable ne cesse de décroître. Le jeu dérisoire et désormais mortifère du système électoral français n’est simplement pas compatible avec la recherche de solutions humaines et démocratiques à cette fulgurante crise du vivant dont nous sommes les contemporains. Mélenchon n’est pas un ami de la Terre.
PS : J’ai vu passer comme une contrefaçon intitulée : « Appel des gauches antiproductivistes et objectrices de croissance à voter pour Jean-Luc Mélenchon ». Vous en trouverez le texte ici. Ses deux signataires de départ, Paul Ariès et Jacques Testart, ont bien le droit d’écrire ce qu’ils veulent, même si je désapprouve en profondeur leur démarche. Seulement, avaient-ils le droit de faire signer au second rang des gens comme les pontes du parti mélenchoniste, Bernard Genin, maire communiste de Vaulx-en-Velin, Ambroize Mazal, responsable lui aussi communiste de la commission Agriculture de son parti, ou Aurélien Bernier, du sémillant et si funny Mpep ? J’y vois un abus condamnable, dont la seule visée me paraît électoraliste. L’instrumentalisation d’un courant - auquel je n’appartiens aucunement - au service d’un candidat qui ne représente pas ses idées. J’avoue me mêler de ce qui ne me regarde pas. Mais qu’en pensent ceux qui sont directement concernés ?

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