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vendredi 18 novembre 2011

Texte de Francis sur la dette (lu au dernier café rep**re)


La dette, réalité ou arnaque?


Les évènements financiers qui secouent la planète nous donnent à voir un monde ancien en bout de course, sans que le monde nouveau souhaitable puisse émerger. La crise de la dette témoigne avec force du caractère parasitaire qu'a pu prendre, depuis le début de la décennie 80, le capitalisme à l'échelle du monde.
La dette qui étrangle la plupart des Etats occidentaux, constituant le coeur historique du capitalisme, résulte d'une baisse continue, sur une longue période, de la profitabilité de l'économie. Le coût du travail sous toutes ses formes dans nos pays dits développés ne permet plus une valorisation du capital à la hauteur des exigences du système et de sa « nomenklatura » (hauts dirigeants des grands centres financiers et des multinationales) le trop fameux 1% de la population qui, à lui seul, détient pas loin de 30% de la richesse du monde
Il en résulte un appel permanent à des « réformes » visant à diminuer, le coût du travail, la part des dépenses sociales; visant à déréguler le plus possible l'encadrement de l'activité économique et à délocaliser les lieux de profitabilité.
Cela s'est traduit, dans les deux dernières décennies, par l'usage massif de la main d'oeuvre chinoise, entre autres, surtout aux EU, mais aussi en Europe; par une importante désindustrialisation; une stagnation des salaires; un transfert de la richesse créée de 10 points de PIB des salaires vers le capital, avec comme conséquence une montée sans précédents des inégalités.
Pour ce qui nous intéresse, à savoir la dette dans sa généralité publique et privée, nous noterons , que si le pouvoir d'achat de ce que l'on nomme improprement la classe moyenne, a pu être maintenu nominalement, c'est grâce au bas coût d'une partie des produits de consommation fabriqués en Chine et par un recours systématique aux crédits à la consommation, donc à l'endettement privé, essentiellement dans les pays anglo-saxons. Les deux tiers de la dette des ménages européens provenaient de la Grande Bretagne. L'endettement des ménages états-uniens n'est pas à rappeler ici, tant il était et est encore, élevé. Mais c'est ainsi que le système a fonctionné: une apparente prospérité assise sur une montagne de dettes privées, une paupérisation relative des populations ne maintenant leur pouvoir d'achat que par le crédit et le recours à plusieurs « jobs » pour faire face aux problèmes de la vie.
Et la dette des Etats?
A ce niveau, il faut distinguer la dette des EU, centre mondial du capitalisme, la maison mère en quelque sorte, de la dette des pays européens ou du Japon.
Comment les choses se sont-elles agencées pour en arriver à la crise que nous connaissons ?
Face aux problèmes de l'érosion de la profitabilité du capital dans les économies « avancées », la réaction est partie du centre étasunien, patrie du capitalisme. Deux logiques se sont rencontrées: celle des intérêts du système avec celle des prophètes du libéralisme économique, les faiseurs de systèmes théoriques. Que disaient ces croisés de la liberté économique défendue comme un impératif catégorique?
La prospérité générale d'un pays ne peut résulter que de la somme des égoïsmes individuels, que la solidarité et tout ce qui ressemble à du socialisme entre membres d'une même société est un frein à son dynamisme, en ce qu'elle déresponsabilise les citoyens. Que, de ce point de vue, l'Etat n'est pas la solution, mais le problème, dans la mesure où, sous la pression des citoyens, il tend naturellement à devenir un Etat social. La solution c'est le libre marché qui s'autorégule, y compris bien sur pour les salaires. C'est le libre jeu des forces économiques; ce sont des prélèvements fiscaux et sociaux aussi bas que possible. Les relations entre « partenaires économiques »doivent passer par des contrats privés passés entre individus réputés libres et égaux: le patron qui embauche, le salarié qui vend sa force de travail. La loi et, donc le code du travail, ne doivent pas interférer. L'Etat ne doit pas s'en mêler. « La liberté s'arrête là où commence le code du travail » (Laurence Parisot Medef)
En d'autres termes, ce genre de théorie c'est du pain bénit pour les « forces vives du capitalisme international »
On peut donc déjà affirmer que la dette résulte d'une construction idéologique participant de la lutte pour le partage du gâteau au profit des riches, on appelait ça autrefois la lutte des classes. Certains grands capitalistes d'ailleurs n'en nient pas l'existence, ils la revendiquent même en affirmant qu'ils l'ont gagnée!
Il fallait rappeler ce contexte pour mieux comprendre les mécanismes de la dette des Etats.
La dette des Etats n'est rien d'autre qu'une partie du programme ultra-libéral consistant à affaiblir la puissance de l'Etat, parce qu'il est le seul capable dans le cadre de sociétés démocratiques de contester la toute puissance des intérêts privés, au premier rang desquels figure le système financier et donc de réguler la question sociale. Le deuxième volet du travail des forces dominantes consiste à faire pression pour créer des institutions politiques capables de mettre hors du contrôle démocratiques toutes les questions économiques sensibles (cf TCE par exemple)
De ce point de vue, il serait comique, si ce n'était révoltant, de voir avec quelle impudence les marchés financiers en déroute se sont tournés vers les Etats pour qu'ils les sauvent et comment, une fois renfloués à grands frais, ils reviennent à leurs petites affaires comme si de rien n'était: « Business as usual » et avec quelle absence de scrupules ils prennent, au nom de l'orthodoxie libérale, leurs sauveurs à la gorge.
Mais, au delà de ce que l'on vient de voir, comme mécanisme général de la crise, on peut identifier la spécificité européenne.
L'apport « incomparable » de la pensée économique européenne, c'est l'interdiction faite à la BCE de financer les Etats, de quelque manière que ce soit: par le traité de Maastricht en 1992, renforcé par le projet de TCE en 2005 et finalement adopté, hors référendum bien sur, par le traité de Lisbonne, avec la complicité du PS et de son premier secrétaire de l'époque: François Hollande. C'est sur la demande expresse des Allemands que cette interdiction a été gravée dans le marbre des traités, pour ne pas laisser les gouvernement se laisser aller à la tentation du laxisme budgétaire, qui provoque un excès de monnaie, source d'inflation, « l'horreur absolue ». On a donc copié le modèle allemand au nom de la vertu budgétaire et il s'est imposé à tous les pays de l'Union Européenne, sans souci de l'énorme hétérogénéité des économies européennes et du carcan qu'il leur impose.
Pour ce qui est de la France, nous avions pris les devant et il y avait belle lurette que le problème ne se posait plus, puisque Pompidou président de la République (ancien fondé de pouvoir de la banque Rodtschildt) et son ministre des finances Giscard d'Estaing, libéral bon teint, avaient fait voter, en 1973, une loi similaire interdisant à la Banque de France de financer les fins de mois du pays .
Depuis, nous dépendons exclusivement des marchés financiers, tant sur le plan national, qu'au niveau de l'Europe pour y faire face.
Tant que la croissance a tiré l'économie vers le haut, avec de bonnes rentrées fiscales, le système a fonctionné.
Mais la vulgate libérale a voulu que l'on amaigrisse l'Etat, en baissant les prélèvements sur la richesse et sur les grandes entreprises (donc sur le secteur réellement capitaliste du marché). En baissant ces prélèvements, de gigantesques sommes tirées de la dérégulation et des baisses d'impôts ont nourri une spéculation à des niveaux jamais atteints dans l'histoire de l'humanité, percutant de plein fouet l'économie réelle et l'ensemble du monde salarié.
Il en résulte la situation dans laquelle nous nous trouvons, de prise en otage des Etats par les marchés financiers.
Comme l'Europe, contrairement aux USA et la Grande Bretagne, ne peut faire marcher la planche à billets via sa banque centrale, c'est à dire monétiser la dette par rachat d'obligations, elle subit de plein fouet, d'abord à sa périphérie, puis en remontant vers le centre, la spéculation des marchés sur la dette. L'Euro a été créé en partie pour contrer la spéculation sur les monnaies nationales, qui fut un grand facteur d'instabilité économique dans les années 70/80, et voilà que la spéculation chassée par la grande porte revient par la fenêtre, celle de la dette souveraine.
Et là, il faut être clair, même la dette de la Grèce, prise au départ, avec des taux d'emprunt ordinaires, était soutenable. A fortiori, celles de l'Italie ou de l'Espagne. Mais ce n'était pas juteux.
Quand l'endettement public se trouve entre des mains privées et hors de tout contrôle politique pour limiter les effets d'aubaine et la cupidité des agents économiques, intervient la « méthode » de l'anticipation auto-réalisatrice.
On suppute que la Grèce, ou tout autre pays, présente des risques sérieux de solvabilité, donc on augmente les taux d'intérêt, sorte de prime de risque à l'envers. La charge de remboursement de la dette, augmente donc. Elle érode les capacités économiques du pays par les politiques d'austérité « imposées » par les marchés, augmente sa vulnérabilité, ce qui augmente le risque dit souverain, donc la capacité à ne pas honorer la dette. Il s'ensuit qu'il faut augmenter la « prime de risque » les taux d'emprunt et ainsi de suite. Au passage, on suggère de vendre des iles, des services publics, de rogner sur les dépenses sociales, de réformer le marché du travail pour le rendre plus flexible etc...... Tout ceci ressemble à s'y méprendre à la stratégie du choc décrite par Naomie Klein. La crise est une opportunité pour les libéraux. Malgré la déroute effective de leur théorie, ils ne rabattent pas dans leurs prétention à donner le la de la théorie économique. Non, si ça n'a pas marché, c'est qu'on n'a pas été assez libéraux! La solution c''est donc toujours plus de libéralisme.
Tant que la BCE n'aura pour mandat que la stabilité des prix, elle ne pourra, officiellement, acheter de la dette souveraine aux taux qu'elle utilise pour financer les banques (1,5%). Elle prête à ces banques, qui, elles, imposent aux pays vulnérables des taux de prédation (entre 5 et 7%)
En réalité , elle a commencé à racheter, en douceur, discrètement, à hauteur de 185 milliard d'euros, quand même, de la dette dans un certain nombre de cas. Mais elle ne peut le faire à la hauteur souhaitable (largement plus de 1000 milliards d'euros), seule susceptible de casser les reins à la spéculation et de permettre à ces pays de garder une croissance économiques à même de leur fournir les liquidités nécessaires au financement de leur dette. Elle en aurait la possibilité, à des niveaux bien plus élevés que ça. Mais il y a un véto allemand sur cette perspective. Nous en sommes là, à deux pas de l'implosion de l'Euro et de l'Europe, mais on ne change pas une équipe qui perd. Surtout quand elle garantit la continuité d'un système si avantageux pour certains.
Mon propos n'est pas, ici, de faire l'inventaire des solutions pour remettre le système financier européen sur de bons rails, il n'était que de proposer un certain nombre d'hypothèses explicatives sur les ressorts profonds de la crise dans laquelle nous nous trouvons aujourd'hui.

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