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dimanche 1 mai 2011

Documents en résonnance avec "Véolia contrôle vos merdes pour 85 euros !"



 

 

Jean Monestier 

Le Soler,                                                                                                                          le 31.03.11 

04 68 92 89 49


à
Madame, Monsieur le Ministre,
Madame, Monsieur le Préfet,



Réf : 11M31LTA
Objet : éradication de la « cabanisation ».


Madame, Monsieur le Ministre,
Madame, Monsieur le Préfet,
                                                     Madame, Monsieur le technocrate,


Certains habitants de ce pays expérimentent actuellement diverses sortes d’habitats non conventionnels, parfois mobiles, parfois démontables, dans tous les cas beaucoup plus légers et faiblement émetteurs de carbone que les bâtiments dits « en dur » qui servent habituellement de logement au reste de la population. Certains d’entre eux, dont quelquefois des « salariés pauvres », c'est-à-dire des personnes à qui le revenu tiré de leur travail, contrairement à la pensée commune, ne permet pas de mener une vie dite « normale », pratiquent cet habitat « précaire » faute de mieux, dans l’attente d’une hypothétique amélioration de leur situation. Mais d’autres en ont fait un choix de vie, après une réflexion approfondie sur le poids que représente leur existence sur la planète et la façon de générer, pour eux-mêmes et leur entourage, le maximum de bonheur pour le minimum d’empreinte écologique.
Dans le premier cas, on pourrait supposer qu’une politique vigoureuse et écologiquement soutenable de création de logement social pourrait résoudre le problème. Mais cette politique n’est pas menée puisque, toutes les associations spécialisées en témoignent, la situation empire chaque année au lieu de s’améliorer.
Dans le deuxième cas, il s’agit d’une remise en question en actes de notre mode de vie, qui, pour quiconque accepte de se documenter un peu profondément, n’est ni généralisable, ce qui peut certes être éludé par un égoïsme occidental refusant tout partage équitable des ressources naturelles, ni durable, ce qui devrait au minimum donner naissance à une réflexion puis un débat démocratique.
Il semble que d’autres choix, sans aucune concertation avec les intéressés, aient été effectués au sein de vos administrations. Après le vote d’une loi qui, au mépris des droits de l’homme, pénalise durement et sans nuances ces situations, c’est le harcèlement et la destruction des milieux de vie qui semblent être les principes directeurs d’une politique de conformité obligatoire. Pénalisation de la pauvreté pour les uns, pénalisation de l’altérité pour les autres, mais une seule brutalité de la force aveugle et bestiale pour tous, au service d’une standardisation forcée et déshumanisante des modes de vie.
Quand je vois sur France3 Sud un engin mécanique « d’assaut » soulever puis secouer en l’air une caravane qui vomit alors son mobilier et les objets personnels de ses occupants par toutes ses ouvertures, je ne peux croire qu’il s’agisse d’une calme application du droit dont j’ai étudié les principes pendant mes années d’études supérieures. Je suis par contre médusé par ce défoulement sans contrôle de l’instinct de mort et de destruction et me dis que tout est à craindre à la suite de telles dérives déchainées sous votre responsabilité directe ou indirecte.
…/…

Madame, Monsieur le Ministre, Madame, Monsieur le Préfet, Madame, Monsieur le technocrate, j’aimerais vous induire à des réflexions plus nuancées sur ces questions. Très grossièrement, le monde occidental, qui représente en gros 20% de la population mondiale, accapare environ 80% des ressources prélevées sur la planète. De plus les calculs de nos empreintes écologiques, discutables dans l’absolu mais non réfutables dans les comparaisons relatives, démontrent que le mode de vie français actuel nécessiterait trois planètes pour être généralisable à l’ensemble de l’humanité. Même si vous vous repliez sur un égoïsme national intenable dans la durée, il va falloir obligatoirement partager ou combattre. Mais cet éventuel combat est perdu d’avance puisque l’ensemble de la biosphère se détériore, et que l’habitabilité globale de la planète est remise en question. i
Dans ce contexte, je n’entrevois aucune comparaison rationnelle permettant d’attribuer à ce mode de vie occidental une supériorité quelconque sur les autres, sinon par le rapport de force, sa durabilité, nous le savons maintenant, n’étant par ailleurs pas supérieure à quelques décennies. Comment pourra-t-il perdurer, fut-ce au bénéfice d’une proportion limitée de la population planétaire, avec des besoins grandissants d’une énergie promise à une cherté accélérée, elle-même dévorée par ailleurs de façon croissante par des extractions de plus en plus raffinées et lointaines de ressources minières de plus en plus rares et de ressources biologiques en voie d’épuisement, et par des opérations de transformation de plus en plus complexes au service d’une consommation compulsive privilégiant l’avoir technique sur le bonheur de vivre ? ii Comment l’humanité toute entière pourra-t-elle accepter de voir tous ses cadres de vie détruits par l’extractivisme effréné de notre système industriel et l’ensemble de la biosphère encombré et pollué par les rejets de nos diverses activités compulsives toujours en croissance ? iii Pour couronner le tout, le réchauffement climatique, dont il est maintenant démontré qu’il est accéléré de façon prodigieuse par l’intervention de l’homme, iv menace très précisément de rendre la plupart des régions de la planète très concrètement inhabitables. v
Ce ne sont pas les pernicieux jeux de société tels que le marché du carbone, qui ne fait aucunement baisser les émissions en question, ou la mise à prix de la biodiversité, qui ne pourra au mieux qu’en organiser l’accaparement par les plus riches, sans en préserver les plus grandes ressources en prévision des futurs les plus inattendus, qui nous préserveront du naufrage. Où sont les mécanismes de reconstruction de l’autonomie alimentaire de nos régions, vi qui devront non seulement nourrir leurs propres populations mais accueillir inéluctablement un certain nombre de réfugiés climatiques, d’origine proche ou lointaine, dont nous aurons incontestablement, nous les occidentaux, provoqué l’exode ? Comment ne voyez-vous pas, Madame, Monsieur le Ministre, Madame, Monsieur le Préfet, Madame, Monsieur le technocrate, que l’application d’une rigidité militaire basée sur une répression gratuite mise au service d’un standard réducteur et non généralisable est totalement obsolète. Toutes ces expériences de vies développées en marge et parfois quasiment à l’extérieur de notre société qui court à l’effondrement sont autant d’expressions de l’ingéniosité humaine, vii qui, dans la perspective de temps difficiles que nous pressentons de façon certaine mais encore floue, seront des ressources de survie, chacune à leur niveau, comme une sorte de biodiversité culturelle, au bénéfice des naufragés de notre orgueilleux système quand il sombrera ?
…/…


Cette biodiversité culturelle mérite sans doute autant de respect prudent que la biodiversité naturelle. C’est pourquoi, en tant que citoyen partisan d’une traversée la plus sereine et durable possible de la grande crise écologique qui s’annonce, je vous invite, loin de les ostraciser et de les écraser, à respecter toutes les expériences d’habitat non conventionnel qui ne peuvent que renforcer la résilience de l’ensemble de nos régions, par le développement de savoirs faire et de savoirs vivre qui explorent des alternatives, peut-être demain vitales, à notre mode de vie de plus en plus fragile.

Espérant vous avoir touché, je vous remercie de m’avoir lu et vous prie d’agréer, Madame, Monsieur, l’expression de mes Salutations Citoyennes.



Rédacteur : Jean Monestier 
Artiste-Auteur-Indépendant,
diplômé ès Sciences Economiques auprès de l’Université de Toulouse,
objecteur de croissance.



Texte disponible sous forme numérique et endossable en toute liberté.

Lire notamment
i « Comment les riches détruisent la planète », d’ Hervé Kempf, édité par Le Seuil.
ii « Adieu à la croissance », de Jean Gadrey, édité par Les Petits Matins/Alternatives Economiques.
iii « Le temps du monde fini», de Geneviève Azam, édité par Les Liens qui Libèrent.
iv « Voyage dans l’anthropocène », de Claude Lorius et Laurent Carpentier, édité par Actes Sud.
v « Six degrés, que va-t-il se passer ? », de Mark Lynas, édité par Dunod (coll. Quai des sciences).
vi Les divers écrits d’Emmanuel Bailly sur l’autonomie alimentaire.
vii « La puissance des pauvres », de Majid Rahnema et Jean Robert, édité par Actes Sud.

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