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lundi 25 avril 2011

Ce n'est pas à nous de payer en cas d'abandon des gaz de schiste

Publié sur Rue89 (http://www.rue89.com)
Ce n'est pas à nous de payer en cas d'abandon des gaz de schiste
By Corinne Lepage
Created 04/23/2011 - 11:21
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Il est inconcevable que le contribuable français ait à payer pour l'abandon des permis d'exploration de gaz de schiste.
Dans les atermoiements gouvernementaux [2], il semble qu'au regard des permis d'exploration de gaz de schiste déjà délivrés, il existe une explication liée aux indemnités qui seraient réclamées par les heureux propriétaires des permis, en cas de retrait.
Ce serait quand même le comble que le contribuable français, qui a été complètement méprisé et oublié dans cette affaire, soit mis dans l'obligation de mettre la main au porte-monnaie pour indemniser Total, GDF-Suez ou Toréador des autorisations qu'ils ont obtenues dans le secret le plus complet des cabinets ministériels.
Tout d'abord, une autorisation administrative est créatrice de droit lorsqu'elle est légale et qu'elle n'a pas fait l'objet d'un retrait dans le délai de recours administratif. Or, ce délai ne commence à courir qu'à compter d'une publicité régulière qui fait courir les droits des tiers.

Les permis sont-ils illégaux ?

En l'espèce, cette publicité régulière n'a manifestement pas eu lieu, dès lors que l'on admet que la mention au Journal officiel, sans aucune précision liée au périmètre concerné, ne peut faire courir de délai de recours contentieux à l'égard des tiers. Si tel est le cas, ces permis ne sont pas définitifs, puisque non publiés régulièrement, et ils peuvent donc être retirés pour illégalité d'origine sans passer par les conditions du retrait des permis d'exploration visés par le code minier.
Reste à savoir s'ils sont illégaux. Deux éléments forts militent en ce sens. Avant de les préciser, il est nécessaire de souligner que toute illégalité n'entraîne pas nécessairement la responsabilité de l'État. En effet, la jurisprudence actuelle du Conseil d'Etat considère qu'une simple illégalité de forme n'entraîne pas de droit à réparation.
De la même manière, si le destinataire de l'autorisation est responsable ou coresponsable de l'illégalité, il doit en supporter également la responsabilité. Enfin, s'il est à l'origine de l'illégalité, il en est le seul responsable.

Le droit de la concurrence a-t-il joué ?

Tout d'abord, en l'espèce, la concurrence n'apparaît pas du tout avoir joué dans l'octroi des permis. En tout cas, l'administration refuse de délivrer les documents attestant un appel à la concurrence et la Commission d'accès aux documents administratifs (Cada [3]) est saisie de la demande de communication des documents.
S'il apparaissait que la concurrence n'a effectivement pas joué et qu'il y a eu une forme de partage des demandes de permis, la procédure serait totalement illégale et la responsabilité en incomberait avant tout aux titulaires des permis d'exploitation. Certes, l'Etat aurait commis une faute en n'imposant pas la concurrence.
Mais si ce qui pourrait bien s'apparenter à une entente dans le partage du territoire avait exclu que la concurrence puisse jouer, il va de soi que les exploitants seraient particulièrement mal fondés à demander quelque réparation que ce soit.

Le manque à gagner n'est pas indemnisable

En second lieu, une autorisation ne peut être délivrée que pour autant que tous les éléments d'information sont fournis à l'administration. Dans la mesure où la nature des produits chimiques utilisés, les effets de la technique choisie ou les risques liés à ces techniques – en particulier en ce qui concerne l'étanchéité des forages – n'auraient pas été parfaitement explicités, il va de soi que le ministère de l'Ecologie ne pouvait donner l'autorisation.
Sans même aller jusqu'à évoquer de fausses informations destinées à obtenir une autorisation administrative, a minima, les silences et les insuffisances des dossiers justifieraient pleinement leur illégalité. Or, ce sont bien les exploitants qui sont responsables des dossiers qu'ils remettent à l'administration, même si c'est celle-ci qui porte la responsabilité de l'autorisation finalement donnée.
Dès lors, si l'on admet que les permis soient illégaux dès l'origine, il convient de le constater en les retirant pour illégalité d'origine. La question du délai de recours contentieux est tranchée pour les raisons qui ont été indiquées ci-dessus.
Même si le retrait intervenait sur la base du code minier, ce n'est pas pour autant qu'une indemnité serait due. En effet, le manque à gagner n'est pas indemnisable. Les travaux de forage sont censés n'avoir pas commencé et, par voie de conséquence, aucune indemnité ne serait due de ce chef.
Enfin, la réalité des gisements n'étant pas connue (ou alors il y aurait évidemment une tromperie puisqu'il s'agirait d'« exploiter » et non pas d'« explorer »), aucune indemnité ne peut être due.
Dès lors, dans tous les cas de figure, le contribuable français n'a pas à payer quoi que ce soit pour un retour au simple état de droit.

Links:
[1] http://www.rue89.com/corinne-lepage
[2] http://www.rue89.com/planete89/2011/04/21/le-rapport-remis-a-nkm-un-plaidoyer-pour-le-gaz-de-schiste-200874
[3] http://www.cada.fr/
[4] http://www.rue89.com/planete89/2011/04/16/gaz-de-schiste-la-france-aux-avant-postes-de-la-resistance-200109
[5] http://www.rue89.com/planete89/2011/02/23/contre-le-gaz-de-schiste-le-larzac-de-bove-bouge-encore-191841
[6] http://www.rue89.com/tele89/2011/04/04/gaz-de-schiste-comment-le-docu-gasland-fait-decoller-le-debat-198491

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