Chers lecteurs,

Il n’y a pas si longtemps, on plantait un arbre à chaque naissance, à chaque enfant, en guise de fête. Et on racontait l’événement de génération en génération. Ainsi les destins étaient-ils liés et la nature faisait intégralement partie…de la famille !

« Lorsque l’orage venait à abattre quelque vieux barbu de la forêt, c’était la consternation de perdre un ami » écrivait l’herboriste Maurice Mésségué. [1]

Aujourd’hui, la famille a volé en éclat, et on abat les arbres sans un soupir.

En dix minutes on règle son compte à un arbre qui a mis cinquante ans à pousser.

Récemment, c’est le conseil départemental de Haute-Marne qui a menacé de sortir les tronçonneuses et de régler leur sort à 4000 arbres plantés en bord de route.

Raison invoquée : les risques d’accident routier…

« S’il faut couper massivement des arbres pour garantir la sécurité de nos habitants et des usagers de la route, nous n’hésiterons pas », indique le communiqué du département publié le 9 février.

… C’est comme si l’homme avait tout oublié, et notamment que les arbres servent à quelque chose dans la Nature.

A respirer, à faire de l’ombre, à protéger du vent.

Et puis ce sont des alchimistes, les arbres.

Ils combinent la molécule de CO2 prélevée dans l’air par les feuilles à la molécule d’eau absorbée par les racines pour élaborer la matière végétale grâce à l’énergie du rayonnement solaire captée par la chlorophylle.

Ce n’est pas de l’art, ça ?

L’homme, lui, coupe et pense après.

Et ce n’est pas nouveau, hélas. Regardez ce qu’écrivait le président Georges Pompidou à son premier ministre, Jacques Chaban-Delmas, alors qu’il apprenait lui aussi qu’on voulait raser les arbres partout le long des routes !!

C’était en… juillet 1970 ! Et vu d’ici, on peine à croire que c’est un président de la République qui ait pu écrire un tel bijou pour la défense de la nature. Voici le texte :

« Monsieur le premier ministre,

J’ai eu par le plus grand des hasards communication d’une circulaire du ministère de l’Équipement – direction des Routes et de la Circulation routière – dont je vous fais une photocopie.

Cette circulaire, présentée comme un projet, a en fait déjà été communiquée à de nombreux fonctionnaires chargés de son application puisque c’est par eux que j’en ai appris l’existence.

Elle appelle de ma part deux réflexions :

La première, c’est qu’alors que le Conseil des ministres est parfois saisi de questions mineures telles que l’augmentation d’une indemnité versée à quelques fonctionnaires, des décisions importantes sont prises par les services centraux d’un ministère en dehors de tout contrôle gouvernemental.

La seconde, c’est que, bien que j’aie plusieurs fois exprimé en Conseil des ministres ma volonté de sauvegarder « partout » les arbres, cette circulaire témoigne de la plus profonde indifférence à l’égard des souhaits du président de la République.

Il en ressort, en effet, que l’abattage des arbres le long des routes deviendra systématique sous prétexte de sécurité. Il est à noter que l’on n’envisage qu’avec beaucoup de prudence et à titre de simple étude le déplacement des poteaux électriques ou télégraphiques. C’est que là, il y a des administrations pour se défendre. Les arbres, eux, n’ont, semble-t-il, d’autre défenseur que moi-même et il apparaît que cela ne compte pas.

La France n’est pas faite uniquement pour permettre aux Français de circuler en voiture, et quelle que soit l’importance des problèmes de sécurité routière, cela ne doit pas aboutir à défigurer son paysage.

(…)

La sauvegarde des arbres plantés au bord des routes – et je pense en particulier aux magnifiques routes du Midi bordées de platanes – est essentielle pour la beauté de notre pays, pour la protection de la nature, pour la sauvegarde du milieu humain.

Je vous demande donc de faire rapporter la circulaire des Ponts et Chaussées, et de donner des instructions précises au ministère de l’Équipement pour que, sous divers prétextes (vieillissement des arbres, demandes de municipalités circonvenues et fermées à tout souci d’esthétique, problèmes financiers que posent l’entretien des arbres et l’abattage des branches mortes), on ne poursuive pas dans la pratique ce qui n’aurait été abandonné que dans le principe et pour me donner une satisfaction d’apparence.

La vie moderne dans son cadre de béton, de bitume et de néon créera de plus en plus chez tous un besoin d’évasion, de nature et de beauté. L’autoroute sera utilisée pour les transports qui n’ont d’autre objet que la rapidité. La route, elle, doit redevenir pour l’automobiliste de la fin du XXe siècle ce qu’était le chemin pour le piéton ou le cavalier : un itinéraire que l’on emprunte sans se hâter, en en profitant pour voir la France. Que l’on se garde de détruire systématiquement ce qui en fait la beauté.

Veuillez agréer, mon cher premier ministre, l’assurance de mes sentiments les meilleurs.

Georges Pompidou. »

Que l’on se garde de détruire systématiquement ce qui fait la beauté du monde… Comment un conseil aussi évident peut-il être si souvent piétiné ?

Comment, plus de 50 ans après, la route a-t-elle toujours plus de droits que la vie Naturelle ?

Mais c’est l’inverse qu’il faut dire. Et surtout FAIRE.

Car il faut le dire et le redire encore la beauté n’est pas un simple état ; elle est un remède.

Remède contre la détresse, la rumination, la colère, la frustration, la jalousie, la violence. Remède aussi contre la maladie.

Lorsque nous la cherchons, lorsque nous la trouvons, alors nous augmentons réellement nos chances d’aller mieux, voire de guérir.

« L’émotion esthétique suscitée par la beauté d’une musique, d’un tableau ou même d’un paysage, favorise la production d’hormones bénéfiques comme la dopamine ou la sérotonine. Certains soignants n’hésitent plus à la prescrire en…  cure ». [2]

L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a souligné dans une méta-étude réalisée en 2019, le rôle majeur joué par les activités artistiques dans la prévention et le traitement des maladies.

Allant jusqu’à les considérer, dans certains cas, comme « plus efficaces que les traitements biomédicaux standards » !

Pour expliquer cette efficacité, le neurologue Pierre Le Marquis rappelle notamment que, chez les indiens Navajos, « la maladie résulte de la perte d’équilibre entre le micro et macrocosme ».

Et que le rituel pour obtenir la guérison prend le nom de « voie de la beauté ».

Il associe des chants, des danses et des peintures réalisées sur le sable avec des pigments que « l’homme médecine » applique sur le corps du malade après les avoir prélevés avec ses mains humectées.

Ainsi la beauté devient un chemin de guérison et d’apaisement car elle réunit le corps à l’esprit. Et redonne à l’individu sa dimension entière.

Dans ce contexte, les arbres ne sont pas le problème, comme le pensaient hier les Ponts et Chaussées, et aujourd’hui le conseil départemental de la Haute-Marne. Ils sont la solution !!

Récemment, la neurologue italienne Giovanna Borriello a montré qu’un cycle d’immersion en forêt d’un jour par semaine pendant six semaines [3] était bénéfique en cas de problèmes pulmonaires, et même de sclérose en plaques !

Au Japon, il existe plus de 60 centres officiels de « sylvothérapie » (soin par les arbres) et les autorités ont débloqué des fonds importants pour étudier les bienfaits de cette pratique, démontrés sur le côlon irritable, le diabète ou encore les douleurs d’estomac [4].

Pour le dire simplement, les arbres, c’est la santé, c’est la vie.

Grands hêtres, chênes, charmes, peupliers, trembles, etc. tous ces arbres de France dont les feuilles bruissent avec le souffle du vent… ils sont notre précieux patrimoine à TOUS.

Ils sont les arbres qui nous rappellent les êtres aimés, les vivants et les morts.

Ils sont les arbres de notre passé, et celui du futur de notre planète.

Et il serait grand temps qu’on applique les instructions du président Pompidou.

Santé !

Gabriel Combris


Sources :

[1] Maurice Mésségué, Réapprenons à aimer, J’ai Lu.

[2] https://www.lesechos.fr/weekend/perso/quand-le-beau-se-prescrit-sur-ordonnance-1880032

[3] https://www.repubblica.it/salute/2021/04/04/news/un_bagno_si_ma_in_mezzo_al_bosco-294666871/

[4] Pr. Miyazaki., Shinrin Yoku, Shinrin Yoku, le secret de santé naturelle des Japonais, éditions Trédaniel

 

Source : https://www.directe-sante.com/message-stupefiant-du-president/#respond